Réalisation : John Ford Scenario : Lamar Trotti.
Date : 1939 USA
Durée : 100 mn
Acteurs principaux :
Henri Fonda : Abraham Lincoln
Pauline Moore : Ann Rutledge
Marjorie Weaver : Mary Todd
Ward Bond : John Palmer Cass
Alice Brady : Abigail Clay
Donald Meek : Procuteur John Felder
Spencer Charters : Juge Herbert A. Bell
A/ HA
Mots-clés : Intelligence – sang froid – humour – intériorité - justice
Une anecdote pour introduire cette fiche. Je visitais un jour – il y a longtemps – les rayons d’une librairie réputée à la recherche d’un ouvrage sur le cinéma américain. L’ouvrage que j’avais trouvé n’accordait pas une seule page à John Ford. Pour moi qui considère John Ford comme un des plus grands cinéastes de tous les temps, en tout cas, celui qui, à lui seul, à créer le roman de la « conquête de l’Ouest » par ses films qui ont inspiré, à leur tour, des dessinateurs des bandes dessinées belges qui avaient enchanté mon enfance, j’avais trouvé le procédé violent, partisan, et somme toute, misérable. J’avais trouvé que cette censure imbécile était digne des méthodes staliniennes. Je ne pouvais pas savoir que je vivrais les mêmes phénomènes de censure par l’effacement des vérités qui dérangent le système. J’ai revu ce film, à l’occasion d’une hospitalisation brève.
Où il est démontré que le courage peut se mettre au service de l’intelligence
La petite histoire nous apprend que jeune Henri Fonda commença par refuser le rôle, en ne souhaitant pas prendre les habits d’une icône politique. John Ford lui expliqua alors que le récit serait centré sur un procès qui fit connaître Lincoln alors qu’il était un jeune et obscur avocat dans une petite ville du Missouri, Springfield. Quelques années auparavant, il s’était intéressé à la politique, au sein du parti Whig, d’orientation libérale. Au début de l’histoire, le jeune Lincoln, timide, mais déjà habile, jouant de sa maladresse nonchalante, indique son programme en trois points : banque centrale, priorité à l’industrie, paix civile.
John Ford sait admirablement donner consistance à ce jeune homme. Son premier amour, Anne Rutledge était morte, lui laissant la tristesse de deuil d’une relation non aboutie, d’autant qu’une de ses sœurs était morte elle aussi précocement en couches, que son père était mort également trop tôt, laissant sa mère, veuve et pauvre. A l’époque, la première maladie grave était la dernière. Quand Marie Todd, sa future épouse, une jeune élégante, s’intéresse à lui, il garde cette nostalgie nourrie par les deuils. Le fleuve qu’il affectionne véhicule des plaques de glace au printemps, reflet de sa mélancolie, mais également annonciateur de la Guerre de Sécession qui va bientôt intervenir. À un moment, il mentionne la mise au chômage des blancs pauvres par l’arrivée massive des esclaves importés. Déjà.
L’alcool est présent dans cette histoire. Les frères inculpés ont bu, un peu, avant l’assassinat du mauvais garçon. Le meurtrier, qui donnera quelques années plus tard, consistance au curé sanguin de L’homme tranquille, a bu beaucoup, avant de tuer opportunément son copain de fête. La foule prête à lyncher les supposés assassins est, elle-même, alcoolisée et échauffée par l’effet d’entraînement, par la bêtise aveugle décrite par Gustave Le Bon. Lincoln réussit à la désarmer face à la porte de la prison qui protège les accusés avant le procès, par le rire, mais aussi par la référence à la Religion, la Bible, au service de la Justice et du bénéfice du doute. Tiens donc.
Un film à voir ou revoir, dans ces temps difficiles, pour choisir ses armes.