Lundi 23 novembre 2020
Un des intérêts d’avoir à traiter de thèmes décidés par d’autres, en dehors de références précises à des cas cliniques et à la problématique addictive, est d’amener à une réflexion générale, distanciée des émotions et du récit.
Certains thèmes sont plus parlants que d’autres. Il n’est pas rare d’avoir l’impression d’être confronté à un devoir de philo avec la prise de tête que cela pourrait suggérer. En réalité, il est très facile d’être à l’aise avec n’importe quel sujet. La présentation explicite la notion. Après quoi, il suffit d’illustrer le thème à partir de l’écho qu’il éveille en nous. C’est volontairement que les thèmes ont une présentation abstraite. Nous avons besoin pour comprendre une problématique de faire usage de concepts, parfois décalés, qui aident à l’analyser et à la comprendre.
Que viennent faire les « tabous » et les « prescriptions » dans le cadre de la problématique alcoolique ?
Il s’agit de deux notions totalement différentes, qu’il convient de préciser, avant d’examiner en quoi elles se relient entre elles puis s’articulent avec la problématique qui nous réunit.
Un tabou concerne un problème qui fait l’objet d’un empêchement à être dit, illustré et explicité. Par la force du silence imposé, il ne peut être pensé. Un tabou peut avoir ainsi plusieurs niveaux d’enfouissement. Le problème peut être connu mais mal évalué et tu. Il peut, de ce fait, être méconnu du plus grand nombre, tout en structurant l’inconscient collectif et, par la même, l’inconscient des individus. Nous avons pu évoquer les manipulations d’opinion réalisées en son temps par Bernays. Nous avons vu que ce prestidigitateur prenait plaisir à raconter ses tours de passe-passe. En lisant la presse de masse, nous constatons que ceux qui tirent les ficelles ne résistent pas au plaisir de dire parfois la vérité, persuadés que les gens ordinaires seront trop bêtes pour l’admettre. Ainsi Obama à qui la publication chez Fayard de ses « Mémoires », va rapporter des sommes colossales (Je tiens l’information d’un éditeur), peut expliquer que les mutations mondialistes n’ont pas été sans retombées sur le petit peuple américain, expliquant qu’il ait porté au pouvoir, pendant une législature, cette canaille démagogue du richissime Trump.
Des événements, des prises de position peuvent conduire à la levée d’un tabou. Il en a été ainsi de l’alcoolisme féminin ou des violences conjugales, des maltraitances d’enfant, des plus banales aux plus graves. Le tabou se nourrit des résistances de la Société à prendre conscience de faits qui la dérangent. Le tabou a donc une proximité mentale avec le déni collectif, la dénégation, la désinformation, la pensée paresseuse, le défaut de connaissances.
Certaines levées de tabou fonctionnent comme des écrans, en raison de leur caractère partiel ou parce que la mise en lumière s’attaque à une partie superficielle du problème. Ainsi, les statistiques répertoriant les complications de l’alcoolisme font l’impasse sur ce que représentent les abus d’alcool comme sources d’activité économique et sociale. La levée de tabous ne s’inscrit pas nécessairement dans une marche vers l’explicitation des problèmes. « En parler » ne suffit pas ! Il est indispensable de comprendre !
Les résistances sont nombreuses. Les forces sociales dominantes peuvent entretenir un tabou ou le créer. Des propos d’humoristes, des chansons d’artistes, des théories ou des essais d’intellectuels sont interdites de diffusion sous le poids de la pensée normative officielle. L’insuffisance qualitative et quantitative de l’offre de soin en alcoologie est, pour nous, l’exemple même d’un tabou de notre Modernité. Comprendre et démanteler intellectuellement ce tabou conduit à une connaissance approfondie de la problématique alcoolique. C’est la raison pour laquelle, un livre sur l’alcoologie doit faire place à la description de l’état de l’offre. Et c’est pourquoi il est appelé à un destin confidentiel.
Les prescriptions peuvent avoir une fonction équivalente, si l’expérience nous fait identifier leur caractère arbitraire, parfois déconnecté des réalités. Au sens propre, une prescription en impose. En alcoologie, il est aisé d’en voir les limites. Avec l’expérience, la plupart des prescriptions données comme références sont inappropriées. Leur caractère automatique et le fait qu’elles soient passées dans les habitudes ne prouvent rien. Toute proposition doit être comprise et discutée. Elle repose sur ce qui a été appelé le « consentement éclairé ». Le consentement bute sur l’ambivalence et l’éclairage demande beaucoup de temps et d’explication. La prescription suppose de pouvoir être discutée pendant tout le temps de sa mise en œuvre. C’est particulièrement le cas des médicaments. La « prescription » peut venir des autres ou de soi.
Quels tabous vous ont gênés dans votre vie ? En avez-vous pris la mesure ?
Quelles prescriptions vous ont paru les plus utiles à l’usage, dans le champ de soin et en dehors de lui ?