Réalisation : Hervé Mimran
Scénario : Hervé Mimran, Hélène Fillières
Date : 2018
Durée : 100 mn
Acteurs principaux :
Fabrice Lucchini : Alain Wapler
Leila Bekhti : Jeanne, l’orthophoniste
Rebecca Marder : Julia, la fille d’Alain
Igor Gotesman : Vincent, l’ambulancier
Ali Bougheraba : le chauffeur d’Alain Warpler
Jean-Pascal Zadi : le garçon de café
Christian Streiff : l’employé de Pôle Emploi
A / SA
Mots clés : Handicap – Modernité – parole – empathie - famille
« Un homme pressé » a été « incendié » par nombre de critiques lors de sa sortie. Il a notamment été reproché à Lucchini d’écraser l’histoire, sa prestation reléguant les autres personnages au rang de comparses. Le non-dit de la Critique se situe, pour une bonne part, de notre point de vue, dans le fait que le film propose comme « héros », un patron d’industrie, en reprenant l’histoire de l’accident vasculaire de Christian Streiff, qui a été PDG d’Airbus et de Peugeot-Citroën. Dans ce film de mots, j’en ai appris un, celui de caméo. Streiff en personne apparaît comme un employé de Pôle Emploi qui dissuade, après l’avoir écouté, celui qui est visiblement dans l’incapacité d’un retour à la vie professionnelle.
Un changement de trajectoire imposé par une perte de capacité
Nous n’irons pas jusqu’à souligner la justesse possible de la formule « un mal pour un bien ». Cela se vérifie quelquefois pour la problématique alcoolique. Ainsi, la survenue d’une pathologie douloureuse telle une pancréatite chronique d’origine alcoolique est une puissante incitation à abandonner l’alcool.
D’une manière plus positive, la perte de la capacité de boire avec ou sans préjudices induits, pour soi, pour ses proches et la société, peut induire un changement de trajectoire. En cas de délit ou de répétition d’infractions routières, la prison peut devenir un « mal pour un bien ». La sanction n’a pas de portée thérapeutique en elle-même même si elle fait rencontrer brutalement le réel. Elle rend le sujet plus accessible à un accompagnement alcoologique et psychothérapique, quand il se révèle accessible et approprié.
La retraite, normée ou forcée, fait partie de ces changements de cadre où la vie est à réinventer.
Telle est la situation de ce chef d’entreprise qui, après un accident vasculaire cérébral, perd ses capacités de langage et de mémoire. Il va être rapidement congédié de son emploi prestigieux. Il va être accompagné pour sa rééducation par une jeune orthophoniste, par sa fille jusque-là négligée et …par son chien. Enfin, il découvre des personnes autour de lui : un brancardier, un garçon de café, son propre chauffeur. Il va avoir envie et réussir à aider l’orthophoniste, enfant adoptée, en quête de sa vraie mère.
Coupé des impératifs de résultats en terme de parts de marché, le parcours de vie d’Alain va devenir compatible avec le dialogue, qui n’existait pas pour lui au temps où il exerçait son pouvoir.
Il est prêt pour un parcours initiatique, solitaire, sur les chemins de Saint-Jacques, qu’il réalise d’une traite. L’homme pressé est devenu toutà-fait humain.
La performance de Fabrice Lucchini est exceptionnelle dans le maniement désorganisé des mots et des syllabes. Les problèmes de langage après AVC sont hélas, moins drôles. Il montre cependant qu’un langage incohérent et absurde est plus parlant que le langage ordonné. Une deuxième vision du film s’impose pour recueillir toutes les perles de ce langage désorganisé. Une impression de tendresse se dégage de l’histoire. Il est agréable de voir, de temps à autre, un film où la bétise n’a pas le mot de la fin.