Réalisation et scénario : Fritz Lang, et collaborateurs, d’après l’ouvrage de Norbert Jacques
Date : 1960 Allemagne – France- Italie
Durée : 105 mn
Acteurs principaux :
Wolfgang Preiss : Dr Mabuse, Pr Jordan
Peter Van Eych : Henry Travers,
Dawn Adams: Marion Menil
Gert Fröbe : le commissaire Kras
Werner Peters : le faux assureur
Jean-Jacques Delbo : Cornelius
Howard Vernon : le tueur
SA
Mots-clés : Voyeurisme – destruction – surveillance – manipulation - totalitarisme
Fritz Lang a donné trois fois vie à son personnage « diabolique » du Docteur Mabuse, en 1922 (Dr Mabuse, le joueur), en 1933 (Le testament du Dr Mabuse), en 1960 (Le diabolique Dr Mabuse). À trois reprises, Lang met en exergue trois menaces : la spéculation boursière, dès 1922 (on sait ce qui s’est passé en 1929), la montée du nazisme (et au-delà des systèmes totalitaires) pour le second, et le risque engendré par le nucléaire, en 1960. Ayant fait mourir Mabuse dans « Le testament », il le ressuscite sous la forme d’un continuateur, le professeur Jordan, double de Mabuse, alias Cornelius un voyant malvoyant.
Le continuateur nihiliste, poussé par sa rage de détruire un monde qu’il juge corrompu a pris l’aspect d’un psychiatre, directeur d’un établissement. Son lieu d’action principal est un hôtel de luxe, transformé jadis par les nazis, en piège par un système de surveillance à base d’écrans et de glaces sans tain. Il prend aussi l’apparence de Cornelius pour tisser la trame du piège tendu à un richissime industriel américain venu en Allemagne acheter des centres nucléaires.
L’appât est constitué par une jeune femme dépressive, Marion, qu’Henry Travers, l’industriel sauve d’un suicide imminent.
L’action se concentre dans l’hôtel, véritable société de surveillance, voyeuriste qui peut se résumer par cette formule : « Voir sans être vu, faire voir ce qui n’a pas d’importance et voir ce qui ne doit pas être vu ».
Le film, à côté d’une intrigue policière, assez classique et bien menée, pose la question de l’aveuglement des sociétés, dans le double sens de cécité, face aux dangers et aux démissions, et de processus actifs et organisés pour empêcher d’y voir clair.
Transposer cette réflexion à la problématique alcoolique est relativement simple :
Le système de communication met en avant des faits divers pour masquer les phénomènes de fond rattachés à une société ignorante d’elle-même et des nuisances qu’elle développe. Les addictions en font partie.
En 1960, Lang avançait la perspective pour un fou de faire sauter une centrale nucléaire. Nous y sommes presque aujourd’hui. Au-delà, il réalise une description de la société de surveillance et d’illusions qui s’est mise en place. Les addictions participent à ce monde.