Réalisation : Pietro Marcello Scenario : Pietro Marcello et coll. Date : 2022 / France -Italie - Allemagne Durée : 100mn Acteurs principaux : Juliette Jouhan : Juliette Raphaël Thiéry : Raphaêl, le père Noémie Lyvosky : Adeline Louis Garrel : Jean Yolande Moreau : La magicienne Bernard Baclan : le patron du chantier naval A/ SA Mots-clés : |
Viol – Répétition – Loi du silence – Création - Suicide
Une histoire qui finit mal. Raphaël revient de la Guerre de 14-18. Il découvre Juliette, sa fille, encore bébé. L’épouse de Raphaël, la mère de Juliette, est morte, peu après la naissance. Une dame costaude, Adeline, s’en occupe comme une mère de substitution. Raphaël n’est pas bien accueilli par ceux du village. Il a du mal à trouver un travail. Il finit par être accepté du fait de ses qualités d’ébéniste dans une entreprise de bois. Raphaël est taciturne mais il veut comprendre. Adeline lui donne la clé de l’hostilité ambiante : sa femme a été violée par le patron du bistrot du village et elle a mis fin à ses jours, peu après. Le silence s’est fait. Plus tard, le méchant homme – le patron du bar – glisse et s’enlise dans un marais, lors d’une chasse aux canards. Raphaël constate et ne fait rien. Cela se sait : un autre chasseur assistait à la scène. Le rejet de Raphaël s’en trouve renforcé. La loi du silence couvre aussi sa non-assistance en danger.
Raphaël a alors l’idée de créer des objets en bois qui font le bonheur d’un marchand de jouets. Entourée par Adeline, Raphaël, son père, et par un sympathique trio familial originaire du Maghreb, Juliette grandit. Elle n’est pas plus acceptée que son père par les jeunes du village, à l’exception du fils du patron du bistrot qui voudrait bien abuser d’elle. Un jour, un beau et ténébreux jeune homme brun fait un atterrissage forcé en aéroplane. Juliette, la rêveuse solitaire, en tombe immédiatement amoureuse. Hélas, le temps d’une réparation et le jeune homme s’envole, avec son copilote. Raphaël est chargé d’une commande inespérée : sculpter la figure de proue d’un bateau. Il recrée le visage de sa femme et meurt, peu après avoir livré son chef d’œuvre. Le fils du bistrotier passe à l’acte et manque de peu violer Juliette qui parvient à s’enfuir. Nous la retrouvons au bord d’une falaise. Elle regarde beaucoup plus bas les vagues se briser contre les rochers. La fin est poétique, marqué par le retour de l’aviateur, mais l’on comprend que ce que l’on voit est le dernier rêve de Juliette avant sa mort, sorte de répétition de ce que sa mère connut.
La répétition, le silence, l’injustice, la fuite dans les rêves et la mort
L’envol ne laisse pas indifférent. Le père, Raphaël joue un rôle-clé dans l’histoire. Il n’a pas été là, pour cause de guerre, pour protéger sa femme. Sa mort a privé sa fille de son soutien. Même si Adeline peut déclarer à un moment « qu’on peut vivre sans homme », l’histoire montre que des femmes peuvent mourir faute de la protection assurée par un homme, qu’il soit époux ou père.
La loi du silence est étouffante et destructrice. Elle est à l’origine d’une double exclusion, celle de Raphaël, puis celle de Juliette.
Le traumatisme du suicide de la mère de Juliette, après le viol subi, n’a pas été mis en mots. Il ressurgit quand Juliette perd celui qui aurait pu lui assurer amour et protection, à la place du père disparu. Il ne lui reste plus qu’à mourir, après le viol auquel elle a échappé puisqu’elle est considérée comme une proie par l’environnement masculin. Elle peut rêver une dernière fois et mettre un point final à une vie sans espoir. Elle échappe ainsi à son destin de proie.
Raphaël est innocent de la perte de sa femme et il prend le statut d’un coupable. Juliette est innocente de tout. Elle n’est protégée par rien.
Nous relèverons que ce film doit sans doute beaucoup au financement de l’Europe, c’est-à-dire indirectement des rois du pétrole. La trame du film en est subtilement influencée.