Réalisation : Quentin Dupieux

Scenario : Quentin Dupieux

Date :  2024                F

Durée : 80mn

Acteurs principaux : 

Vincent Lindon : Guillaume

Louis Garrel : David

Raphaël Quenard : Willy

Léa Seydoux : Florence

Manuel Guillot : Stéphane

  

A/ SA

Mots-clés : Nouvelle culture – cinéma –

Intelligence artificielle – écriture pénitentiaire - dérision

ledeuxiemeacte

David voudrait se débarrasser de Florence qui voudrait lui mettre le grappin dessus. Elle a, selon lui, toutes les qualités requises pour plaire, mais l’attrait irrésistible qu’il suscite auprès de la jeune femme ne trouve pas d’écho en lui. La première scène, sans doute la meilleure du film, le voit essayant de convaincre son ami Willy (diminutif anglais de Guillaume) de séduire l’amoureuse pour qu’il retrouve son espace de respiration. Willy manifeste une certaine maladresse à opposer de justes réserves à la proposition insolite de son ami. Le dialogue permet au réalisateur d’épingler nombre de lieux communs qui caractérisent la Nouvelle culture. Willy maîtrise mal la novlangue rattachée à la nouvelle moralité. Son ami David doit le reprendre sans cesse.  

Seconde séquence symétrique : Florence, traîne son père, Guillaume, acteur connu et vieillissant, vers la découverte de David. Guillaume ne sent pas ce rôle – car c’est un rôle dans un film qui se tourne. Le spectateur comprend qu’il regarde une scène de cinéma dans le film, vieux procédé souvent employé au cinéma comme au théâtre.

Troisième séquence : le serveur du restaurant de campagne, envahi par le tract, ne parvient pas à servir le vin dans les verres. Il manifeste une tremblote digne d’un syndrome de sevrage chez un sujet à haut degré de dépendance physique. La séquence dure, insupportable, mais n’est-ce pas la réalité lors de certaines scènes de tournage au cinéma ?  

Le film expose avant tout les problèmes existentiels des acteurs, soucieux de leur égo et de leur prochain film.

Puisque nous sommes dans la nouvelle culture, il est logique que le scénario soit dicté par l’intelligence artificielle. C’est son image humanoïde incarnée qui indique en fin d’histoire son niveau de satisfaction du point de vue de la fidélité au cahier des charges de chaque acteur. L’acteur-serveur, Stéphane, aura ainsi une retenue sur salaire, car il a grossi pendant le tournage et il va falloir bidouiller son image, ce qui a un coût.  

Conformité à une nouvelle culture, le « vrai » rejoint le fictif, GuillaumeLindon – qui l’eut cru – est l’amant de Will, qui aimerait tant avoir un petit chien, ce qui permet une scène finale de dominant-dominé. GuillaumeLindon n’est pas très crédible quand il roule une pelle à Will, mais qu’importe. Auparavant, David a défendu sa double qualité de bisexuel, face à l’acteur Lindon, aussi « archaïque » qu’attaché à son égo que David est attaché au sien et à ses intérêts. Stéphane, l’acteur-débutant a un gros chagrin devant le refus du couple Guillaume-Will de lui donner leurs numéros de portable. Il refait le coup du suicide.

Faux-semblants et nouvelle culture

Le deuxième acte – du nom très bobo-intello du restaurant de campagne – est incontestablement un film astucieux. Il égratigne la nouvelle culture et ses codes. Il fait rire, ce qui est louable, dans le climat de censure ambiant. On peut d’ailleurs remarquer que le carnet de présentation d’Utopia se dispense de faire l’analyse du film, comme s’il s’excusait presque de le proposer à ses clients. Le film a été présenté à l’ouverture du dernier Festival de Cannes, un haut lieu de la nouvelle conformité. À un moment, Lindon pronostique la mort du cinéma. Il ne dit pas pourquoi, mais c’est normal, car une comédie doit se conformer aux règles établies par l’Intelligence artificielle, réalisatrice de cette production.