Réalisation : Jifi Menzel
Scénario : idem + Bohumail Hrabal Musique : Jiri Sust
Date : 1996 Tchécosvolaquie
Durée : 89 mn
Acteurs principaux :
Vàclav Neckar : Milos, le héros
Joseph Somr : Hubicka, le sous-chef
Vlastimil Brodsky : Zednicek, l’idéologue
Jitka Bendova : Masa, la jeune collèque
Vladimir Vamlenta : Max, le chef de gare
Kveta Fialova : la jeune employée coquine
Libuse Havelkov : la femme de Max
A/ SA
Mots-clés : écriture pénitentiaire – sexualité – analogie – idéologie – dérision
Un jeune homme, Milos, va rejoindre son premier poste de stagiaire sous-chef dans la gare de son village. L’action se situe en Tchécoslovaquie, dans les années 40, alors que le pays est occupé par l’Allemagne hitlérienne. Milos a réussi le concours qui va lui assurer une vie de fonctionnaire, à l’abri des travaux pénibles. Sa maman participe à sa mise en uniforme, avec la solennité requise. Elle inscrit l’événement dans l’histoire de la lignée familiale masculine, caractérisée par le choix de la paresse. La scène se termine par la pause de la casquette règlementaire à la façon d’une couronne impériale.
A peine arrivé à la gare, Milos est interpellé joyeusement par une jeune fille en uniforme de sa connaissance, une contrôleuse de train. Manifestement, Milos la trouve à son goût… Leur premier baiser est empêché par le coup de sifflet du sous-chef de gare, le malicieux Hubicka.
Ecriture pénitentiaire, sexualité, analogies et dérision
Voici un film tchèque de 1966 qui mérite d’être découvert à plusieurs points de vue.
En premier lieu, c’est un chef-d’oeuvre d’écriture pénitentiaire. Jifi Menzel l’a réalisé, en reprenant fidèlement un roman de son compatriote, Bohumail Hrabal, alors que la Tchécoslovaquie était sous la botte soviétique. Menzel faisait partie d’un groupe de jeunes cinéastes parmi lesquels Milos Forman, le célèbre réalisateur d’Amadeus et de Vol au dessous d’un nid de coucous.
Le choix du subterfuge d’écriture a le mérite de la simplicité : avant de subir le communisme stalinien, la population tchèque avait connu l’occupation nazie, avec la collaboration d’un gouvernement aux ordres. Le choix de tourner en dérision l’encadrement bureaucratique, soumis à l’idéologie des occupants, a le double mérite d’être transparent et de susciter un rire discret.
Le grotesque des discours de propagande est mis en valeur tout au long du film. Les protagonistes sont médiocres à souhait et, en même temps, si proches humainement de nous.
Une seconde thématique sous-tend l’histoire : la sexualité du jeune homme. Il ne peut répondre aux sollicitations de Masa, sa charmante collègue pleine de vie. Une tentative infructueuse, dans une arrière-pièce obscure, le conduit à une tentative de suicide. Il en réchappe fortuitement pour se retrouver à l’hôpital. Un jeune médecin compatissant le rassure, tout en plaquant un diagnostic : Milos souffrirait d’éjaculation précoce. En fait, le jeune homme est paralysé par son excès d’émotivité et son inexpérience. Par contraste, le sous-chef titulaire Hubicka a un indéniable savoir-faire. La sexualité est très présente, tout au long de l’histoire, joyeuse ou refoulée, selon les protagonistes. Elle donne lieu à de nombreuses séquences obscures, aussi peu voyeuristes que drôles.
La troisième thématique est, effectivement, celle de la dérision. Dans les situations de contrainte et d’absurdité, quand nos aspirations sont bafouées ou contrariées, le recours à la dérision – l’impolitesse du désespoir – est une façon de surmonter la dépression et les émotions négatives que nous pouvons vivre.
Si nous gardons à l’esprit le bon usage des analogies, nous pouvons admettre que ce que nous vivons aujourd’hui, en France ne fait plus du tout appel aux ressources de l’humour et de l’intelligence, alors que ces aptitudes nourrissent la résilience. L’opinion publique est constamment soumise aux discours creux, aux imprécations, aux informations catastrophes ou truquées, aux faits divers sordides. Elles masquent la restriction continue de nos libertés et la mise en place d’une chape de plomb favorable à la soumission, contrainte ou choisie. Les addictions dans ce contexte ont un bel avenir.
La satire laisse transparaître le désir de liberté et de vivre de la jeunesse, face à la bêtise systémique. L’histoire est drôle et triste, comme le regard de Milos.
L’insolence du film, annoncée par la musique de la bande-annonce, ne se démentira jamais : le sabotage d’un convoi d’armements allemand pour le front de l’Est clôturera le destin du héros, enfin libéré de son blocage sexuel.
Nous avons retenu la musique de Jiri Sust pour la bande-annonce pour annoncer les douze séquences du programme vidéo en cours de mise au point.