Réalisation : Voltech Jasny

Scenario : Voltech Jasny

 

Date : 1969    Tchécoslovaquie

 

Durée : 120 mn

Acteurs principaux :

Radoslav Brzohabaty : Frantisek, le paysan

Vlastimil Brodsky : Ocenas, l’organiste

Vladimir Mensik : Joska, le bureaucrate

Drahomira Hormanova : la veuve joyeuse

Ruzuna Merunkova : l’épouse de Frantisek

A/ SA

Mots-clés : communismeoppression – paysans – identité - refus

 

Chronique morave

 

Nous poursuivrons l’exploration de la « filière » tchèque avec ce film, qui a suivi de près le printemps de Prague et la « normalisation » qui a suivi. Jasny, le scénariste et réalisateur, a été un communiste confronté au naufrage de ses illusions. En cela, serions-nous tentés de dire qu’il a un double avantage sur beaucoup d’autres : il a souhaité – préoccupation louable – une organisation sociale répondant au souci d’intérêt général et il a subi concrètement une désillusion en éprouvant comme citoyen et créateur, notamment, la mainmise de la censure d’État. En ce sens, cette histoire est beaucoup plus sombre que celle contée par « Trains étroitement surveillés ». L’humour et la dérision en sont absents.

Frantisek, le paysan, incarne une sorte de héros éthique, résistant à la pression des membres du parti chargés de collectiviser les terres. En observant une attitude non-violente, il est une référence pour les autres paysans de son village de Moravie.

Le refus de la soumission perdure tant que Frantisek dit non aux pressions de ceux qui ont choisi d’appliquer les consignes du Parti. Ils ont à « persuader » les petits propriétaires à devenir des ouvriers agricoles d’une coopérative. L’histoire se situe dans la période suivant la mise en place de la chape communiste sur le pays. Les liens anciens se défont ainsi sous la pression de l’idéologie.

Une des premières séquences donne le ton. L’église orthodoxe du village abrite un chœur qui chante des louanges dédiées à ...Staline. L’organiste envoie à un rendez-vous mystérieux un jeune homme sur le point de se marier. Parvenu à vélo au sommet de la colline, le jeune homme est abattu sans que l’on sache par qui ni pourquoi. L’organiste, inquiété à son tour, plie bagage avec sa femme, laissant là sa maison. Personne ne sait qui fait ou pense quoi. Frantisek doit abandonner sa propriété, en raison de la coopérative située sur sa propriété, pour une autre ferme que l’on imagine plus modeste. L’unité du village se désagrège peu à peu. L’ambiance festive perdure : ça boit, ça danse, ça dort au clair de lune, ça danse en costumes et masques mais l’essentiel, la liberté et l’amitié ont disparu. Chaque habitant habite sa solitude. Périodiquement, des hommes en uniforme viennent réclamer la signature des paysans pour leur faire intégrer la coopérative. Un grand mot pour désigner ce qui deviendra une cour de ferme surchargée de détritus.

La vie continue. La Nature est belle. La liberté a disparu. Frantisek accepte au final de s’occuper de nouveau de sa ferme, devenue un dépotoir. En vain. Sa femme sera sa veuve et ses enfants seront orphelins de père.

Quelles leçons pour la problématique alcoolique et pour aujourd’hui ?

 L’essentiel est de vivre libre, de pouvoir aimer, entreprendre et agir. Le festif ne saurait masquer la perte de la liberté et la perte de sens. Savoir dire non s’impose parfois. Quand, c’est possible !

Nous pouvons mesurer combien notre part de liberté est menacée, tout comme l’accès à des plaisirs simples, fussent-ils liés au travail.