Réalisation : Luigi Comencini

Scenario : lui-même et d’autres

Date : 1960                Italie

 

Durée : 120 mn

Acteurs principaux :

Alberto Sordi : Lieutenant Innocenzi

Serge Reggiani : Cecarelli

Martin Balsam : Sergent Fornaciari

Carla Gravina : Silvia Modena

Didi Perego : Caterina

A/ SA

 

Mots-clés : Pagaille – Tragique – Aveuglements – Humanité – Survie - Guerre

 

lagrandpagaille

Comencini réussit à recréer, par des scènes crédibles, l’ambiance de la grande pagaille consécutive au retrait italien lors de la seconde guerre mondiale. Le roi Victor-Emmanuel III destitua Mussolini en juillet 1943, après l’occupation de la Sicile par les Alliés et un armistice signé avec ces mêmes alliés. Du jour au lendemain, les Italiens sont considérés comme des ennemis par les Allemands. Le film commence dans cette confusion : des soldats italiens établis dans le nord de la péninsule apprennent la nouvelle de l’armistice, en même temps qu’ils voient les tanks allemands leur foncer dessus et tirer. Dès lors, une idée simple et forte s’empare des soldats : retourner « à la maison ». Le lieutenant Innocenzi essaie de maintenir un semblant de discipline dans la pagaille qui s’installe.

Il est abandonné par sa petite troupe, à la première occasion, et poursuit sa marche vers le sud, avec trois compagnons, puis deux, puis un, jusqu’à Naples où il est confronté, à la fois, aux allemands, à des fascistes qui entendent l’enrôler et à des résistants. Le film se déroule ainsi, par des épisodes successifs, plus poignants et dérisoires les uns que les autres, inscrits dans les conditions de vie et de survie de l’époque, au plus près de la vie des gens. Les séquences véhiculent une forme de comique tragique, propre à l’esprit italien. Le tout est un ensemble abouti de dénonciation de l’absurdité et de la cruauté de la guerre.

Pour mémoire, la campagne d’Italie fit long feu. Elle dura dix-huit mois. Naples fut occupée par les alliés en octobre 43, Rome, en juin 44, les grandes villes du nord en avril 45. Le peuple italien connut l’horreur de la guerre pendant toute cette période.

La pagaille, ici et maintenant

Le film parle du passé et de l'Italie mais la formule est d'une brûlante actualité en France.

Au moment de la rédaction de cette fiche (5 septembre 2024), l’actuel président de la République vient de nommer effrontément un Premier Ministre acquis sans réserve à un néolibéralisme européïste et globaliste qui se moque des peuples, de la paix et de l’écologie. Le président estime sans doute que les oppositions sont trop hétérogènes politiquement, trop inconsistantes, pour faire mieux que de l’agitation dans les rues, au Parlement ou dans les médias. Un « lâche soulagement » est perceptible. Le citoyen que j’essaie d’être s’en trouve humilié. L’Allemagne, par comparaison, semble avoir trouvé une femme politique qui allie un sentiment national réaliste et des positions sociales compatibles avec l’intérêt général. Il serait cependant très optimiste de croire que son mouvement dispose d’un avenir. Le pouvoir financier dispose de deux fers au feu : la Droite pro-américaine et européiste bourgeoise et la Droite nationale-populiste. Une gauche qui se croit extrême remplit à merveille son rôle de repoussoir. L’autre gauche est acceptée comme gestionnaire.

Le Pouvoir poursuit son travail d’acculturation en associant wokisme, communautarisme, consumérisme et, à l’occasion, bellicisme. Il laisse la chape numérique contrôler nos vies. Ses médias désinforment. Les addictions en tout genre prospèrent plus que jamais. L’émiettement social se poursuit. Sans besoin de guerre classique, nous connaissons des heures sombres.

Les avancées sociales et les efforts de prise de conscience politique ne peuvent intervenir qu’à la marge, loin du bruit et de la fureur du monde, dans les minces espaces de liberté négligés par la classe dominante.