Hell or high water
Réalisation : David Mckensie
Scénario : Taylor Sheridan
Date : 2016 / USA
Durée : 102 mn
Acteurs principaux :
Jeff Bridges : ranger Marcus Hamilton ; Ben Foster : Tanner Howard ; Chris Pine : Toby Howard ; Gil Birmingham : Alberto Parker ;Margaret Bowman : la serveuse
A/ SA
Mots clés : Fratrie – Endettement − Violence – Lien social – Machisme
Le second titre de ce western policier est « Au-delà de l’Enfer et du Déluge », référence biblique, pour figurer une réalité invivable. Comancheria est l’ancienne appellation d’un territoire occupé par le peuple comanche avant l’extermination civilisatrice. Du mauvais côté – mais est-ce bien sûr ? – deux frères, un méchant, Tanner, caractériel et violent, un gentil, Toby, qui a décidé de faire appel au savoir-faire de son aîné.Ce dernier est disponible : il vient de sortir de prison. Le but : récupérer auprès des agences locales de la Texas Midlands Bank l’argent usurier qui hypothèque la ferme familiale. Le film commence par la découverte de la chambre occupée par la mère jusqu’à son décès. Une perfusion est encore accrochée à sa potence. Le père était une brute alcoolique. Il a certainement été ‘‘suicidé’’ par Tanner. La nouveauté est que la terre aride de l’exploitation en déclin est riche de pétrole. Vestige du passé : on voit encore passer quelques troupeaux de vaches accompagnées de leurs cow-boys. Le plan de Tobyest simple : il rembourse le prêt grâce à quelques casses −seules les petites coupures sont raflées pour ne pas se faire repérer−, il donne la ferme en héritage à ses deux enfants, un mince et un enveloppé, ainsi qu’à leur mère puisque, évidemment, le couple s’est séparé. Un passage dans un casino permet de récupérer en chèque une partie de l’argent volé, avant sa remise à un avocat complaisant qui se chargera d’effacer l’hypothèque.
Hélas, avec un abruti violent comme partenaire, les dérapages ne tarderont pas à se produire induisant la fin tragique de ce western, sous un soleil de plomb, grâce au fusil à lunettes du vieux ranger qui vengera ainsi son adjoint d’origine comanche, qu’il abreuvait de propos amicalement racistes.
Il fait soif. La bière est la véritable héroïne de l’histoire. Elle est omniprésente et s’ingurgite à tout propos, tout comme s’exhibent les fusils, mitraillettes et revolvers. Tanner choisit de faire diversion au volant du quatre-quatre criblé de balles, alors que Toby s’enfuit, légèrement blessé, avec le dernier magot, dans une voiture laissée en attente pour égarer les recherches.
Il aperçoit un serpent à sonnettes sinuant contre le rocher où Tanner vient d’être exécutéà distance, assis sur son rocher, figé comme le penseur de Rodin. Est-ce l’âme du frère sacrifié qui s’éloigne de la dépouille ?
Au Texas, le port d’armes et les échanges de balles sont desmarqueurs indispensables de virilité. Les femmes font à peine partie du décor : une serveuse arrondie, avenante et dépoitraillée, qui essaie de draguer Toby, morose, devant son assiette, une autre jeune femme, plus entreprenante encore, qui voudrait bien donner quelques satisfactions au ténébreux Toby, installé, cette fois, au bar.
Les ravages de l’obsession
L’alcool est associé, ici, à la pauvreté matérielle et culturelle. Il accompagne la routine insipide d’un quotidien dépourvu de grâce, de poésie et d’enthousiasme. Certes,l’histoire met en scène l’amitié contrastée de deux frères, opposée à celle des deux Rangers, attachés à leur capture. Elle se veut morale puisque les voleurs – les banquiers – sont payés avec l’argent qui leur a été volé. Au final, les duos s’autodétruisent, laissant deux survivants qui pourront peut-être se comprendre et s’apprécier.
La quête de l’argent, moteur de l’histoire, comme celle de l’alcool, a des effets collatéraux – quelques morts par ci, par là – avec des solitudes fortes encore dans un désert de sens. Le message qui pourrait se dégager est que l’argent est un équivalent-alcool. La dépendance à l’argent est partie d’un besoin pour devenir une fin en soi. Sa recherche obsessionnelle détruit sur son passage tout ce qui fait l’intérêt d’être en vie.
L’alcool appartient aux rituels masculins. La société qu’il contribue à façonner est d’une rare indigence.
Là ou règne l’alcool, le pétrole et les banques, il n’y a pas de place pour les femmes, les enfants et les pacifiques.
Ce film explique très bien l’élection de Donald Trump. Il est difficile de comprendre pourquoi les mêmes se sont enthousiasmés de ce film et indignés de la désignation d’un affairiste dont les caractéristiques incarnent si bien les valeurs texanes.
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