Réalisation : Ziad Doueri
Scénario et dialogues : Zida Doueri et Joëlle Touma
Date :2017 / Liban
Durée :112mn
Acteurs principaux :
Tony, le garagiste : Adel Karam
Sa jeune épouse : Rita Hayek
Yasser, le contremaitre : Kamel el Basha
L’avocat de Toni : Camille Salameh
L’avocate de Yasser :Diamond Bou Abboud :
La juge en appel : Julie Kasan :
Le juge en première instance : Carlos Chahine
SA/HA
Mots-clés : Humiliation ̶ rancune – agressivité – communautarisme – procès
Le scénario et la réalisation de « l’insulte » est tout à fait remarquable tant par la dynamique de l’intrigue que par ce que le film nous apprend de l’histoire douloureuse du Liban, au terme d’une guerre civile terroriste. L’action se situe à Beyrouth Est dans le quartier chrétien dans les années 90, alors que s’amorce une cohabitation difficile entre les communautés chrétiennes et musulmanes.
L’histoire s’ouvre sur un incident provoqué par la mise en conformité d’une canalisation. Tony garagiste de son état, militant du parti chrétien du président assassiné Bachar Gemayel, et futur père quadragénaire d’une petite fille, détruit le raccordement effectué par des ouvriers à partir d’un conduit expulsant l’eau de son balcon. Il s’oppose ainsi brutalement à Yasser, un chef de chantier palestinien. Sous le coup de la colère, Yasser insulte Tony. Il n’en faut pas plus pour que l’escalade de la violence s’amorce. Rien ne fera changer Tony, dans sa demande d’excuse dont tout montre qu’il n’en voulait pas vraiment, si ce n’est pour faire payer le prix de l’humiliation à son adversaire. Il n’est pas lui-même en reste en termes d’agression injurieuse. Les appels à l’apaisement du contremaître de Yasser, du père de Tony et de sa jeune épouse n’y feront rien. Des avocats ne vont pas tarder à s’emparer de ce qui devient peu à peu une Affaire d’Etat. Une particularité va donner un relief spécial au procès. L’avocat expérimenté de Tony est le père de la jeune avocate qui apporte son soutien à Yasser, cette opposition insolite prouvant que les clivages politiques traversent les familles. Les violences communautaristes réveillées par « l’insulte » finiront par s’apaiser, après l’exposition des souffrances et des non-dits qui expliquaient la violence de Tony et celle, plus masquée, de Yasser.
L’aveuglement et le bon sens
Rien de tel que des souffrances enfouies pour alimenter le ressentiment, la haine et des comportements violents. L’alcoolique ne fait souvent que mettre en acte des souffrances qu’il a subi directement ou par effet d’ambiance. Les souffrances enfouies sont comme des corps étrangers qui faussent les relations.
La colère rend aveugle et écarte le bon sens, au mépris des conséquences.
L’aveuglement par le ressentiment est présent dans la problématique alcoolique. L’entourage accumule des raisons de se plaindre de l’alcoolique et l’alcoolique présente souvent les souffrance subies de la part de tel ou tel membre de son entourage familial pour justifier ses comportements. Les enfants vivent cette situation de tension familiale qu’ils intériorisent et qu’ils feront vivre à leur manière, par la répétition ou en se dégageant de l’histoire familiale.
Le film permet de faire la distinction entre la position de victime – constat objectif – et la victimisation – phénomène subjectif stérile –, souvent instrumentalisée par des tiers qui s’en moquent et/ou qui en vivent. Il permet une réflexion sur les origines de l’agressivité. Il montre le danger du repliement communautaire. Toute identité gagne à être reconnue, acceptée, puis relativisée. L’individu des Temps modernes gagne à diversifier ses appartenances, à rencontrer des différents semblables, après avoir pris des repères chez des semblables différents. Les identité agressives sont des enfermements. Le travail de réflexion au sein d’un groupe de parole de personnes alcooliques peut être ouvert à d’autres personnes partageant des difficultés analogues. Si l’identité peut être un facteur d’isolement, elle peut aussi permettre une meilleure compréhension de l’autre et trouver un aboutissement dans son dépassement, à l’exemple de la problématique alcoolique dont la connaissance approfondie permet de mieux comprendre le fonctionnement mental des humains.
Le procès montre combien il est facile de passer à côté d’une réalité quand domine le souci d’avoir raison contre l’autre. Il joue, ici, le rôle d’un processus thérapeutique. Il permet l’exposition d’éclairages contrastés qui conduisent à un apaisement des antagonismes, un rapprochement empathique, entre le chrétien libanais et le réfugié palestinien, entre le duo des avocats ; le père et sa fille.