Réalisation : Pernille Fisher Christiensen
Scénario: Pernille Fisher Christiensen et Kim Fupz Aakeson
Date : 2018 / Suède, Danemark
Durée :123mn
Acteurs principaux :
Alba August : Astrid Ericson Lindgren
Maria Bonnevie : Hanna, la mère
Trina Dyrholm, Maria, la nourrice
Magnus Krepper : Samuel, le père
Henri Rafaelsen : Blommer,
Björn Gustalsson, : Sture
SA – A - HA
Mots-clés : résilience – maternité – enfance –famille – bienveillance
Décrire la trame des événements de ce film serait, à coup sûr, le desservir. Toute l’histoire, au fond, est banale. Ce qui la transfigure est fait de présences – ici, celle de cette Astrid avec sa vitalité et son imagination – et du contexte dans lequel elle se déroule.
Astrid est le portrait d’une jeune fille qui devient femme, mère et écrivaine, manifestant lors des péripéties qui s’enchaînent, une résilience fondée sur l’amour et le lien social.
Le cadre est magnifique mais rude : la terre suédoise, la neige, le froid, la mer, une ferme, une famille, une communauté exiguë rassemblée à l’Office du dimanche, une capitale pourvoyeuse d’un travail et d’un salaire, de la bienveillance et de la solidarité, des moments de solitude, des choix douloureux, du respect de soi, de la générosité et de l’amour.
La résilience d’une jeune femme
L’histoire, vieille d’un siècle, fait d’abord réfléchir à la résilience de cette jeune fille devenue jeune femme. Sa grossesse « fautive », l’abandon par nécessité de son bébé, le fait que l’enfant lui préfère une nourrice aimante qui ne l’accable pas. Sa résilience fait intervenir son affectivité, son désir d’indépendance et son esprit critique.
La combativité d’Astrid trouve ses racines dans une vitalité naturelle, nourrie de l’amour de sa famille, celui de son père et son frère, mais également celui de sa mère, porteuse de la loi domestique et comptable du regard porté sur la famille. À la différence de nombreux jeunes de notre temps, Astrid dispose d’une personnalité charpentée.
Le travail ne fait pas peur à Astrid. Elle participe aux activités de l’exploitation familiale. Elle réchauffe ses mains transies par le froid en les posant sur la peau de la vache de l’étable, à l’exemple de son père. Elle n’est pas la dernière à improviser une bataille de pommes-de-terre dans le champ familial, à laquelle se mêlent père et mère, comme s’il s’agissait de boules de neige. Les distractions ne sont pas nombreuses. Faire tapisserie lors d’un bal du village, au point de danser entre filles n’est pas exaltant. L’expérience ne sera pas renouvelée.
Astrid sait inventer des histoires et les raconter à la table familiale. Elle a un joli style d’écriture. Son père l’incite sobrement à exploiter ses talents. Elle va pouvoir proposer ses services au responsable du journal local.
Astrid est rigoureuse, capable d’initiatives. L’une d’elle lui vaudra de devenir fille-mère. Elle se fait apprécier d’emblée pour ses qualités par Sture, son jeune responsable hiérarchique. Lors d’une soirée festive de son entreprise, elle est manifestement ivre – d’alcool et de solitude – et gesticule seule, désarticulée comme un pantin, au son de la musique. Sture essaie un instant de masquer cette perte de contrôle en dansant avec elle puis propose de lui commander un taxi, ce qui n’est pas dans les moyens de la jeune femme. Plus tard au bureau, constatant l’épuisement de sa subordonnée, il lui demande les raisons d’erreurs inhabituelles : son enfant qu’elle a désormais seule en charge est malade et ses nuits sont blanches. Quant elle exprime sa crainte d’être licenciée, il lui répond qu’elle sera licenciée si elle n’arrête pas son travail pour s’occuper de son enfant. Il envoie ensuite, à ses frais, un médecin pour soigner l’enfant. Au retour au travail, Astrid a encore une initiative hardie et spontanée : elle embrasse Sture sur le front en lui disant qu’il est « une bonne personne ».
La longue séparation de son enfant – pour éviter le scandale d’une naissance adultérine - la met en situation de visiteuse. Maria, la nourrice est devenue, par ses soins, la mère pour l’enfant. Sa souffrance va être sublimée. Astrid aime les enfants, dans lesquels elle se reconnait. Elle le manifeste et les enfants des écoles qui liront plus tard ses livres le lui rendront bien.
Aujourd’hui, il existe de nombreuses Astrid et, pourrions-nous ajouter, de nombreux Sture ou de Maria, qui pourraient se manifester. Malheureusement, les facteurs d’environnement ont changé : l’ossature familiale et le dispositif moral – ici structuré par la religion luthérienne – se sont considérablement affaiblis. Le contact avec les réalités s’est estompé. La valeur-travail n’est plus reconnue, à moins de générer des profits. Les talents individuels sont sélectionnés et mis dans des circuits économiques à visée financière. L’emploi est moins un facteur d’identité et d’autonomie qu’un moyen de consommer plus. La bienveillance et la générosité ne sont plus des valeurs porteuses dans un monde régi par la compétition, l’apparence et l’égoïsme. Il n’empêche. Astrid Ericson, devenue madame Sture Lindgren, saura doter les enfants des générations à venir de modèles d’identification résiliente par ses talents d’écrivaine.