Réalisation : Gabriel Le Bomin
Scénario : Gabriel Le Bomin et Valérie Ranson Enguiale
Date : 2020 France
Durée : 109 mn
Acteurs principaux :
Lambert Wilson : Charles de Gaulle
Isabelle Carré : Yvonne de Gaulle
Clémence Hittin : Anne de Gaulle
Olivier Gourmet : Paul Reynaud
Catherine Mouchet : Melle Potel
SA
Mots clés :
couple – famille – handicap - devoir – courage
Le film de Gabriel Le Bomin a fait et fera l’objet de commentaires contrastés. Après « Les heures sombres » de Jo Wright, consacrées à Churchill, il fallait oser se risquer à aborder cette période de basculement pour l’Europe et le Monde, en mai et juin 1940, en la centrant sur le personnage de Charles de Gaulle.
Le réalisateur a choisi de construire le récit en l’abordant par le versant intime de ce général, rebelle dès son accession à ce grade. Les péripéties politiques s’enchevêtrent avec celles de sa famille plongée dans la Débâcle, avec les civils des régions occupées. Le rapprochement d’une situation de guerre et d’une tragédie familiale constituée par la trisomie d’Anne, la plus jeune des enfants, aurait pu alourdir l’ambiance du film. Si l’émotion est présente, elle se manifeste sans éclat avec subtilité, élégance et pudeur.
Il faut souligner la qualité de l’interprétation d’Isabelle Carré, de Lambert Wilson, de plusieurs seconds rôles et, étonnamment, de la petite trisomique qui incarne Anne, enfant. L’exposition du versant historique a l’avantage d’être claire et pédagogique. La réalisation est vivante. Une bonne soirée assurée pour les spectateurs, à moins qu’ils n'aient appartenus au camp des « réalistes », derrière le Maréchal Pétain, ou qu’ils se rangent dans celui des penser-conformes de notre actuelle modernité.
Comment imposer l’exception ?
Plus de trente années de pratique clinique dans le champ de l’alcoologie de ville nous amènent à penser que les situations d’exception ne peuvent générer de changement de politique dans notre domaine d’intervention. Ce n’est pas faute d’avoir essayé de faire reconnaitre l’originalité de notre méthodologie, le pari sur les ressources intellectuelles et morales des patients, la force de transformation opérée par le bon usage des concepts que nous avons eu tout loisir d’expérimenter et de présenter dans nos ouvrages.
De Gaulle avait compris la supériorité des tanks et des avions sur les fantassins enterrés dans la ligne Maginot. Nous avions compris, de notre côté, la supériorité de l’ambulatoire et du travail en groupe sur les cures et les postcures traditionnelles.
Un peu comme De Gaulle, au sein du transitoire cabinet ministériel de Paul Raynaud, les divergences avec les représentants de la politique d’addictologie n’ont fait que s’accentuer. La politique de prévention a été ramenée à la gestion, toute théorique, des dommages. Les toxicomanies ont pu prospérer et les intérêts des alcooliers ont été efficacement protégés par les gouvernements. Le contenu théorique des soins a été ramené à une portion congrue privilégiant des médicaments, au demeurant peu efficaces, ainsi qu’une vision psycho-comportementale de la problématique alcoolique.
Les dimensions psychopathologiques, psychanalytiques psychodynamiques, familiales, générationnelles, sociologiques, économiques, philosophiques et politiques ont été écartées. C’est une sous-alcoologie qui est proposée à des personnes considérées comme des sous-malades. Cette politique concerne également l’ensemble des personnes prises aux pièges des addictions, qu’elles soient ou non désignées comme telles. L’addiction à l’image, à l’argent et au pouvoir de domination, ne sont pas véritablement mises en cause, alors que l’impact du numérique, s’il commence à être reconnu, n’est pas efficacement combattu.
De Gaulle a su tirer avantage d’une situation de chaos. Grâce au souffle de résistance qu’il incarné, l’honneur a été sauf. Son action a permis que la France ne soit pas oubliée dans les solutions politiques de l’après-guerre. Le gouvernement issu de la Résistance a jeté les bases d’une société équilibrée et prospère. L’exception française s’est, à présent, effacée sous l’influence des intérêts financiers.
Il en est de l’alcoologie comme du reste. Les addictions servent l’économie et l’anesthésie sociale, au détriment des populations. Il en sera certainement ainsi pendant longtemps, compte tenu des failles du système éducatif et de la dilution du pays dans le Marché mondial.
De Gaulle, à l’instar de Churchill a montré qu’une volonté, au départ isolée, pouvait être à l’origine d’une résistance collective par la confrontation à l’inacceptable. Le film montre également que les personnages d’exception, notamment masculins, ont besoin d’une présence affective forte pour assumer en actes leur lucidité et armer leur courage. Isabelle Carré illustre remarquablement le féminisme de ce temps. La présence d’Yvonne et de la petite Anne, morte à 20 ans, ont été les ressorts invisibles de l’anomalie De Gaulle.