L’immigration en face

Didier Leschi

Gallimard, Tracts, n°22      2020

3€90, 56 pages

 

 

Didier Leschi est directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) dépendant du Ministère de l’Intérieur depuis 2010. Le document qu’il propose fournit de nombreux chiffres et de données. Il précise de la sorte ce que tout le monde a le loisir d’observer depuis des dizaines d’années. En revanche, il ne dit rien pour ce qui est de l’intégration de ces différents afflux de population, sinon pour signaler que l’intégration ne se fait pas, spécialement en France. L’immigration joue un effet délétère sur l’unité nationale sans qu’aucun groupe social n’y trouve son compte, excepté à court terme.

Publier un document préoccupant, sinon accablant, sans indiquer des pistes de réponse n’est pas une politique. Nous pouvons certes, constater, comparer, déplorer mais s’en tenir à un constat distancié n’est pas porteur. La critique, comme l’autocritique, ne prend sa force qu’à partir du moment où, après avoir été au fond des choses, elle devient constructive donc conflictuelle. Il est, en effet, évident que les nécessaires solutions de compromis, sur un sujet aussi grave, demandent de concevoir des réponses pertinentes à une problématique lourde de menaces. Elles s’inscrivent dans une logique politique cohérente qui n’existe pas aujourd’hui.

L’auteur propose sa documentation en contrepoint de l’appel du pape François à « l’amour de l’étranger ». Deux options s’affrontent : la compassion pour les immigrés qui affluent, le refus des autochtones de voir dilapider leur culture, leurs traditions, leur tranquillité sociale par les arrivants. L’auteur rappelle la distinction entre le réfugié politique, les migrants économiques que nous sommes « allés chercher » pour des emplois mal rétribués et pénibles, le regroupement familial, les étudiants, les clandestins.

L’état de la planète rapporté à la démographie ne peut qu’inquiéter la vieille Europe. « En Afrique sub-saharienne, la moitié de la population a moins de 19 ans. Les Africains sont aujourd’hui 1,3 milliard alors qu’ils étaient moins de 300 millions au moment des indépendances. Au Maghreb et ailleurs, une jeunesse sans espoir est l’avant-garde de migrations qui sont autant de sauve-qui-peut. Les héritiers des indépendances nous font payer leurs échecs en considérant que nous aurions vis-à-vis d’eux une dette sans fin qui justifierait leur incurie ». Sans doute, mais que dire de notre propre incurie, de l’état de notre propre jeunesse ?

Décrire les divers moyens de transports utilisés par les populations pour parvenir à destination est anecdotique. Ce qui rend compte de leurs choix se situe dans les conditions d’accueil et dans une inversion du mouvement de colonisation : les Indiens privilégient la Grande-Bretagne, le Maghreb et l’ancienne Afrique francophone notre pays.

Par exemple, notre manque de médecins provoqué par le numérus clausus a induit l’arrivée de médecins étrangers. « Sur 215.000 médecins exerçant en France, plus de 30.000 le font avec un diplôme obtenu à l’étranger, ce qui aggrave les déserts médicaux des pays d’origine pour combler les nôtres ». Le « choc des cultures », la constitution de ghettos, de mégapoles anomiques sont trop connus pour qu’il soit besoin de détailler. L’impression qui se dégage de ces pages est que la solution politique n’est pas d’être plus ou moins accueillants ou répressifs, d’effacer plus encore les frontières ou constituer de vaines « forteresses ».

Trois pistes mériteraient, de notre point de vue, de susciter un débat planétaire : le contrôle démographique, la progression éducative, économique et sociale des pays surpeuplés, la préoccupation écologique. Chacun devrait pouvoir bien vivre au pays de ses racines. Le « grand dérangement » ferait alors place à des échanges égalitaires et apaisés. L’intégration des populations déplacées dans les pays favorisés deviendrait possible. Hélas, rien ne laisse espérer une telle inversion de logique.