Pierre Jourde

TRACTS n°41 Gallimard

56 pages, 3€90

pierrejourde

L’essai de Pierre Jourde est intéressant. Pourquoi ?

Pour ne rien cacher, il est très proche dans son contenu – des arguments en plus – de ce que j’ai essayé de dire dans deux des chapitres de mon manuscrit (I-2 ; III-22).

Il redonne consistance aux objections opérées par l’esprit critique moderne. Il ne se contente pas, en effet, de dénoncer les religions fondamentalistes, musulmanes ou chrétiennes, comme le font nos idéologues actuels. Il déconstruit d’une manière pédagogique ce qui soustend toute croyance religieuse ou dotée d’une caractère religieux. Il invalide le Dieu horloger de Voltaire. Il ne prend pas la peine d’écarter ce que j’appelle les divagations ésotériques pour les discréditer. En revanche, il ne critique pas le caractère religieux des croyances secrétées par le libéralisme, la politique et la science. Je m’y suis appliqué pour ma part, avec la prudence qui sied à une écriture pénitentiaire. Est-il une croyance plus subjective et en même temps concrète que le divin marché et les monnaies virtuelles? 

Pourtant, ça marche ! Cela marche et fait marcher et massacrer aussi bien que les croyances religieuses ou patriotiques. Quoi de plus idéologiques, à bien y regarder, que les publications scientifiques, issues de compilations de travaux tronqués, amalgamant des sources hétérogènes ? Comment ne pas voir que la problématique alcoolique est maltraitée par le scientisme d’aujourd’hui ? Comment ne pas voir que les travaux scientifiques sont orientés par les intérêts des fabricants de molécules ou de technologies? Comment occulter l’intentionnalité économique et politique des addictions ? C’est pourquoi il m’arrive de dire aux alcooliques et apparentés qu’ils doivent prendre exactement conscience de la contradiction inconciliable entre leur addiction et la soumission politique qu’ils récusent.

Le texte de Jourde a l’avantage d’être bien écrit et peu polémique, même s’il conclut par un « Croyez de ce vous voulez, à Allah, à Jéhovah ou à la pizza volante, mais ne vous occupez pas (de ce point de vue) du voisin, ni de votre fille, ni de votre neveu. » Il énonce : « Mais si Dieu est une hypothèse, la conséquence inéluctable est qu’on n’a pas le droit d’imposer aux autres cette hypothèse comme une vérité absolue et indiscutable ».

L’humain a besoin de l’irrationnel religieux pour exprimer et parfois trouver une forme d’absolu et de perfection. Il est capable du meilleur et du pire. Il doit être assez raisonnable pour ne pas assimiler ce besoin à une vérité terroriste. Le besoin d’absolu, de certitudes ou de réconfort doit cohabiter avec l’esprit critique qu’il rend encore plus nécessaire.

Les arguments qu’énonce Pierre Jourde sont de bon sens. Il les expose, un à un, à partir d’une grille de lecture scientifique. « Le propre d’un discours scientifique est d’être réfutable » (p20). Pour un croyant, le fait « qu’il y avait infiniment peu de probabilités que l’homme apparaisse ne peut pas être dû au hasard. » Pour affirmer l’autorité des textes sacrés, il faut mobiliser le déni contre Darwin, l’évolution et la sélection des espèces. Un fervent musulman (de sexe mâle) doit croire que « des vierges l’attendent au paradis ». 

Il y aurait beaucoup à citer de ce tract et presque autant à ajouter. 

Le système économique nous saoule avec sa publicité.

Le système financier nous saoule avec la Bourse et ses pseudo-vérités. Des croyances, religieuses ou profanes, nous abreuvent de vacuité, avec le plus grand sérieux.

Nous sommes de moins en moins libres, grâce à la Technologie qui veut notre bien au point de nous l’imposer. 

Nous avons tous besoin d’irrationnel qui nous fasse rêver et nous rendent joyeux, mais également de bon sens.