Lire I et II
Editions d’écarts
20€, 201 pages
Sophie Nordmann est une ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud. Elle est agrégée de philosophie, habilitée à conduire des recherches en différents domaines, tels que la pensée juive, la philosophie allemande, l’éthique, la philosophie sociale et politique et la phénoménologie.
Qu’est-ce que la phénoménologie ? C’est une discipline qui s’intéresse à l’observation la plus distanciée possible des phénomènes.
Qu’est-ce qu’un phénomène : c’est une donnée de l’expérience.
La phénoménologie écarte a priori les théories interprétatives pour s’intéresser au sujet, à sa singularité.
Les objectifs du livre sont clairement posés par la quatrième de couverture :
- Proposer une compréhension renouvelée de la transcendance, en dehors de toute métaphysique et de toute théologie.
- Sortir de l’immanentisme – l’enfermement dans l’objet, qui peut se résumer par la formule « tout est dans tout ». Il n’y a rien, dans cette conception, qui soit extérieur à l’objet. La transcendance admet une cause extérieure à l’objet, l’immanence, non. Cependant, chaque « objet » est compris dans un autre objet ou en interaction avec d’autres « objets ». De mon point de vue de béotien, j’aurais tendance à dire qu’un être humain est en interaction, par son univers mental et matériel, avec d’autres instances qui l’influencent et dont il doit tenir compte.
Le lecteur peut découvrir opposées une thèse et une antithèse sur l’être humain.
Je fais l’économie de la première (p 182) qui se résume par la conviction suivante : « L’être humain est d’un autre ordre que tous les autres êtres du monde ». Je reproduis celle à laquelle j’adhère sans restriction aucune (p183).
L’être humain est un être du monde, au même titre que les autres, avec ses spécificités.
Il n’y a aucune raison de considérer qu’il est absolument d’un autre ordre.
Il a des différences spécifiques mais elles n’en font pas pour autant autre chose qu’un animal humain, et rien ne fonde à lui conférer un statut d’absolue exception.
Au contraire, toutes les observations et études scientifiques tendent à confirmer son appartenance pleine et entière au règne du vivant.
Son humanité est une forme parmi d’autres de l’évolution du vivant.
Reconnaître cette appartenance ne conduit pas à nier le respect qui lui revient, mais à le remettre à sa juste place. Chaque être du monde doit être respecté pour ce qu’il est, et fonder le respect de l’humanité sur un statut d’exception conduit à des formes de barbarie.
Chaque lecteur pourra se faire sa propre opinion du livre. Pour ma part, je l’ai trouvé inutilement compliqué. Il procède par un commentaire de différents aphorismes et utilise aussi des mots excessivement connotés tels que « rédemption ». La question est de savoir si, pour un esprit rationaliste qui adhère à la seconde proposition énoncée ci-dessus, la transcendance a un contenu et, dans ce cas, lequel.
Je livre en raccourci mon opinion qui se rapproche, avec la modestie qui convient, de celle de Spinoza.
Pour lui, la Nature au sens large est l’équivalence de Dieu. Je crois que nous avons à respecter la Nature au maximum, comme bien commun pour nous et les générations à venir. Je ne suis donc pas du tout original.
Un second aspect, non spécifique, de la philosophie de Spinoza se situe dans l’élaboration d’une éthique personnelle. Je puise largement les bases de cette philosophie dans la culture grecque dont les axes se distinguent radicalement de l’idéalisme platonicien. Je me permets de renvoyer au chapitre 23 de Ce que nous apprennent les addictions.
Il me semble que la transcendance prend en compte la transmission entre générations. Je dois tout ou presque à ceux qui m’ont précédé et j’ai quelques devoirs vis à vis de ceux qui m’entourent et de ceux qui suivront. C’est ma façon d’introduire la « verticalité », la transcendance. Si nous sommes devenus bipèdes, c’est que nous ne sommes pas faits pour ramper.
Je pense aussi que les croyances sont nécessaires en ce qu’elles renvoient à une identité structurante, mais je fais une distinction radicale entre croyance et vérité. Nous avons besoin d’irrationnel pour vivre, ne serait-ce que de la capacité d’aimer. L’affectif échappe, heureusement, à la raison.
Par ma culture religieuse d’origine, que je ne rejette pas, pas plus que je ne rejette d’autres cultures différentes mais compatibles avec la mienne, le message chrétien, tel que je l’ai interprété, fait partie d’une dimension spirituelle à laquelle j’adhère. Je partage la foi que le meilleur est possible, l’espérance que je peux y être pour quelque chose, même de minuscule et de transitoire, le souci de ne pas nuire à l’autre et de l’aider à supporter sa condition tragique. Le tout, malgré le pessimisme de la Raison, est source de Joie.