Lundi 15 Mars 2021
Une citation d’Ernest Renan peut amorcer la réflexion autour du « dépassement de soi » et « l’épanouissement » : « Pour agir dans le monde, il faut mourir à soi-même. L’homme n’est pas ici-bas pour être heureux, et même pour être simplement honnête. Il y est pour réaliser de grandes choses pour la société et dépasser la vulgarité où se traîne l’existence de presque tous les individus ». Nous avons mentionné cette opinion-programme de vie dans la fiche rédigée à propos de Van Gogh. Le moins que l’on puisse dire est qu’elle est très éloignée de l’idéologie post-moderne.
Ce thème proposé par le groupe du vendredi n’est pas facile à présenter, surtout si l’on essaie de le rapprocher de la problématique alcoolique. Pour ma part, il correspond aux messages éducatifs de mon enfance. Il était question d’être « sensible aux grandes choses » pour donner du sens à son existence. La citation de Renan, un historien du XIXème siècle, n’est pas évidente non plus. Que peut vouloir signifier « mourir à soi-même » ? Nous pouvons comprendre cette formule comme l’idée de renoncer à ses illusions, ou encore à ses objectifs de réussite sociale ou à ses préoccupations d’image, pour s’investir dans un projet ou une action dépassant ses intérêts égoïstes.
Au fond, personne ne connaît ses limites. Le dépassement de soi n’a rien à voir avec la notion de performance. Il se conçoit comme une mise à disposition de nos capacités pour quelque chose de plus important que nous. Dans quelle mesure ce dépassement de soi correspond-t-il à un épanouissement ? Le dépassement de soi ne signifie pas la négation de soi. Il s’agit plutôt d’une mise en service de ses qualités. C’est dans le feu de l’action que les dites-qualités pourront se conforter et s’épanouir. A quoi servirait le talent d’un musicien, d’un peintre, d’un joueur de rugby ou d’un ouvrier si ces personnes ne les mettaient pas aux services d’une œuvre du Collectif ou des autres ?
Comment rattacher ce thème à la problématique alcoolique ? Chacun s’accordera pour admettre que l’intelligence et les aptitudes d’un individu ne résultent pas d’une prise d’alcool. La levée d’inhibition ne crée rien, d’autant que cet effet de l’alcool ne tarde pas à s’inverser. L’alcool favorise alors un phénomène de régression, de perte de repères, d’envies et d’énergie. Mourir à soi-même pour un alcoolique consiste peut-être à dépasser ses traumatismes, ses relations de dépendance. Etre aidant, par exemple, d’une manière ou d’une autre, est probablement la façon la plus accessible de se dépasser, en devenant soi-même à l’arrêt de l’alcool. Cette disposition d’ouverture, attentive aux autres, sans se négliger soi-même, peut s’appliquer à tous les domaines de la vie. Prendre soin de soi est encore la meilleure façon de prendre soin des autres. Les deux étapes ne s’excluent pas.
Avez- vous l’expérience du dépassement de soi ?
L’avez- vous vécu comme un épanouissement ?