Lundi 3 Mai 2021
Nous vivons à une époque de communication incessante. Il est difficile de trouver des moments pour se poser, réfléchir, dialoguer. Comment concevoir une communication satisfaisante en alcoologie, et d’abord entre nous ? Ce que nous allons essayer de résumer est le produit d’une expérience de plus de trente ans. Nous nous excusons à l’avance d’énoncer des évidences. Nous envisagerons la communication en respectant un ordre chronologique.
Le premier contact se fait par téléphone ou plus rarement par la messagerie. Dans tous les cas, la règle est de dégager la disponibilité nécessaire. Lorsque l’appel se manifeste pendant un temps de travail et, particulièrement, lors d’une consultation, il est préférable d’indiquer d’emblée son absence de disponibilité en demandant les cordonnées de téléphone ou de messagerie. Par la suite, le patient devra s’habituer à respecter les modalités du travail : un sms pour les demandes simples et urgentes, un courriel pour toutes les autres.
La consultation demande un respect mutuel. Le respect des rendez-vous et la ponctualité devraient être la règle. L’agitation de la vie actuelle et ses conséquences sur le fonctionnement des personnes conduit très souvent à des modifications de rendez-vous au dernier moment. Le praticien en tient compte dans son organisation professionnelle. Il doit disposer d’activités-relais pour limiter les pertes de temps. En pratique, les désistements de dernière minute faisant ou non l’objet d’un avertissement servent à donner un peu de souplesse à la journée de travail et à accueillir des appels motivés. La notion d’urgence a rarement lieu d’être en alcoologie, à l’inverse de ce que suggèrent les appels des proches et quelquefois des patients eux-mêmes.
Il faut comprendre que l’Urgence est contreproductive en alcoologie. L’urgence conduit aux Urgences, en Service fermé, à l’hôpital psychiatrique public et à une sortie. Il faut que les gens prennent conscience que l’offre de soin ne colle pas avec les besoins réels.
Autrement que dire des difficultés et des pièges dans la relation en alcoologie ?
Vous aurez à dire ceux que vous avez connus et identifiés.
De mon point de vue la principale difficulté se situe dans ce que nous appelons les dissonances cognitives. Je renvoie au chapitre 18 de « Anesthésie générale ». Le phénomène de dissonance cognitive peut se traduire simplement par le fait d’entendre et d’interpréter « de travers ». Ce défaut de compréhension fait principalement intervenir la susceptibilité. Ce qui est donné comme un fait est ressentie comme un jugement de valeur. C’est, bien évidemment, au praticien que revient la tâche de s’adapter à son interlocuteur, en maîtrisant ses propres contre-attitudes éventuelles. C’est à lui de faire l’avance de souplesse, d’ouverture d’esprit et de pédagogie.
Une autre difficulté de la communication en alcoologie se situe dans le déficit de connaissances du patient. Il sait la façon dont il boit. Il en connait certaines raisons. Pour le reste, il véhicule les représentations ambiantes. Il partage l’ignorance et les préjugés de tout le monde. Une difficulté symétrique se retrouve chez le soignant. Lui aussi il peut être concerné par des représentations erronées aussi bien rattachées au patient et à la problématique alcoolique qu’à une méconnaissance de sa propre subjectivité et des dissonances cognitives qu’elle suscite.