7 juin 2021
La capacité à nous aveugler illustre la logique d’écriture de Anesthésie Générale. En effet, c’est parce que la population a une remarquable capacité à s’aveugler sur toute une série de problèmes-clé que les addictions ont pris une telle place dans la société. Un premier hors-sujet va nous aider à expliciter le thème. Il s’agit de l’article d’Evelyne Pieiller paru dans le monde diplomatique de mai 2021 : « Résilience partout, résistance nulle part ». Son texte concerne la fabrique du consentement (voir chapitre 3). Le concept de résilience est examiné. Cette notion mise à la mode par Boris Cyrulnik (le psychiatre préféré des Français) a été récupéré par l’élite mondiale. Le concept est mis à toute les sauce du management. Il convient d’être résilient pour s’adapter.
Nous avons proposé l’article tout entier à la lecture, en le déposant sur le site de l’association (area31.fr). Nous en retirons deux notions présentée par ailleurs au chapitre 18 de Anesthésie générale, plus particulièrement au paragraphe des dissonances cognitives. L’auteure fait référence au « biais de confirmation » : nous sélectionnons ce qui va dans le sens de nos croyances. Un autre biais a une grande importance pratique, le « biais de cadrage » : nous fixons notre attention sur un aspect du problème pour mieux négliger tous les autres. Par ces deux biais cognitifs, nous pouvons nous aveugler très confortablement.
Les spécialistes de la reconfiguration de notre vie mentale adoptent la position d’Ismaël Emelien : « On fait juste en sorte que la personne regarde dans la bonne direction ». Dans le même esprit, les urinoirs d’Amsterdam comportent une mouche dessinée pour fixer le centre de la cible, ce qui parait-il, a fortement diminué les frais de nettoyage. Nous n’avons pas attendu l’essor des sciences cognitives pour ne pas voir la réalité quand elle nous dérange. L’histoire humaine montre à quel point nous sommes manipulables et influençables. Il suffit de se rappeler de notre capacité à nous nuire ou à suivre des injonctions absurdes ou meurtrières.
Dans ce contexte, la levée d’une addiction peut amorcer une révolution vers une lucidité mieux maitrisée et, somme toute, plus heureuse que celle consécutive à nos aveuglements.
Quels aveuglements ont joué un rôle néfaste dans votre vie ?
Quel usage faites-vous de votre lucidité ?