9 août 2021
Les autres et moi… Ainsi posée la relation aux autres suggère une difficulté. Les autres forment, dans cette éventualité, une masse indistincte que l’on peut aussi bien imaginer hostile, indifférente, homogène. Il n’est pas possible de s’accorder avec une masse si l’on se perçoit isolée d’elle, à moins d’en prendre le contrôle émotionnellement, ce qui s’observe chez les leaders charismatiques.
Les autres constituent l’exemple d’un mot globalisant : les ceci, les cela, ceux que je perçois comme différents de moi. La généralisation est une commodité qui complique, empêche ou dispense de la rencontre.
Le rapprochement des deux mots suggère un fossé : je les vois, j’en suis séparé. Notons que l’individualisation ne fait pas davantage lien. L’autre est là, avec son dispositif dans les oreilles et son smartphone à la main. Il est autre. Il n’a ni regard, ni sourire, ni parole.
Pour faire disparaître l’oppression des autres, j’ai, en théorie, la solution de me fondre dans la masse. Je deviens alors élément indistinct d’un corps informe et multiple. Si je bois, je peux me fondre dans la masse, tout en ayant le sensation de m’en distinguer. Je comble le fossé.
Aujourd’hui, l’autre devient une abstraction. Tel personnage public archiconnu qui peut se targuer des milliers ou de dizaines de milliers d’amis est aussi inaccessible que la lune qui semble nous sourire. Les services publics sont des robots qui réclament des codes. L’intelligence artificielle nous atomise.
Il n’est pas possible d’échapper à la catégorisation : j’appartiens à une catégorie d’âge, de sexe objectif et subjectif. Mes origines ethniques, géographiques, familiales, culturelles concourent à mon identité. J’ai des appartenances socioprofessionnelles et familiales. Je suis contribuable, client effectif ou potentiel. Je ne dois pas oublier que je suis autre et possiblement objet pour l’autre.
À quoi sert de cesser de boire ou de s’addicter si c’est pour être rien ou un autre parmi d’autres ?
Suis-je certain de me connaître pour dire « Moi » ? Ne suis-je pas au moins double ? ou plusieurs ?
Comment éviter cette opposition stérile et débilitante : les autres et moi ?
Il faut s’appliquer à écarter les préjugés, les stéréotypes, les certitudes, les peurs, les incohérences.
Il y a le souci de penser par soi-même, de se relier au réel, d’essayer de le comprendre, de découvrir l’autre dans sa spécificité, de faire lien avec lui, ne serait-ce que sur un domaine délimité. Il est possible de se sentir relié aux autres par une parole pertinente, une action, un objectif commun. Il est possible de rencontrer l’universel – l’Autre – par la littérature, la musique, la relation à la Nature, les activités de création, quelle qu’en soit le type…
Comment concevez-vous la relation aux autres ? Faites-vous des différences parmi « les autres » ? Et, si oui, sur quels critères ?