Lundi 20 septembre 2021
Si vous ne réussissez pas, essayez encore… La recommandation a un goût d’ironie. Elle renvoie à l’aphorisme des Shadocks : « À force d’échouer, on réussit, donc continuons à échouer », à la formule stoïcienne, trop connue : « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer », ou encore au débilitant mythe de Sisyphe qui devait sans relâche remonter son rocher. Dans un sketch de Fernand Raynaud, l’humoriste alcoolique bien connu des anciens, un client ne cesse de répéter à son tailleur lors de l’essayage d’un costume : « Y a comme un défaut ».
Il est épuisant et démoralisant d’échouer sans cesse ou de nouveau. Comment échapper à ce destin funeste, en le rapportant à la problématique alcoolique ?
Il faut d’abord accepter l’idée qu’il y a un « défaut » : la perte définitive d’une possibilité d’une consommation banale d’alcool, modérée ou festive. La consommation gastronomique elle-même, ponctuelle et très mesurée, n’est pas réaliste, longtemps ou définitivement, tant les usages associent à peu près tous les plats à une variété de vin, dans la tradition culinaire française.
La « réussite » commence par cette acceptation : un verre, c’est trop.
Reste ensuite à créer les conditions de la perte du réflexe conditionné, plus fort que la « volonté ». Le premier verre de la journée peut répondre à une horloge émotionnelle mais il se trouve que la personne devenue dépendante boit si la nouvelle est bonne, mauvaise, si elle ne vient pas. Le premier s’impose en fin de journée. Il remonte ensuite dans la journée, après été cantonné en fin de semaine. Ce réflexe conditionné demande des mois d’arrêt pour s’estomper ou apparemment disparaître. C’est ce qui justifie la prise prolongée matinale d’Espéral, produit très anodin comparé aux conséquences d’une reprise ou de la persistance de la consommation. Au moment de la démarche de soin, il est, en règle générale, plus tard que ne le pense la personne. Sa prise de conscience prend forme au moment où, le plus souvent l’entourage n’en peut plus, à moins qu’il ait choisi le déni. L’ardoise s’est allongée. Elle est souvent devenue insolvable. Il est préférable de s’arrêter « à temps », avant la survenue de l’irréversible. La rupture est le plus souvent affective. Pour le moins, la relation reste longtemps marquée par la crainte de la « rechute » car la personne n’est pas la même selon qu’elle a ou non bu. À moins d’une relation pervertie ou très dégradée, la personne sobre est aimée, celle qui est sous l’emprise de l’alcool, déconsidérée.
Comme le suggère insuffisamment la courbe en U de Jellinek la remontée sera lente et longtemps partielle. Les retours de l’alcool ne sont pas inévitables. Ils sont fréquents. Leur prévention exige, en règle générale, un long investissement personnel, dans un cadre qui aide à surmonter les problèmes pour lesquels l’alcool a été souvent et longtemps une solution.
Une personne qui ne « sait » plus boire par le fait d’une perte de contrôle à peu près systématique après un ou deux verres ou qui ne peut plus se passer de boire à certains moments ne doit se faire aucune illusion : elle est confrontée à une pathologie grave. Il existe, malheureusement, de nombreux facteurs qui concourent à créer les conditions d’une relation préjudiciable avec l’alcool.
Le maitre mot est donc de trouver un accompagnement à la mesure de ses besoins.
Autre aspect du thème : qu’est-ce que « réussir » ?
Réussir, c’est, tout d’abord, éviter les « catastrophes » qui n’ont pas encore eu lieu. Ensuite et surtout, c’est retrouver du plaisir à vivre, une meilleure estime de soi, plus de confiance en soi et dans les autres, dégager des objectifs et, autant que possible, les atteindre. Sur le point des relations d’étayage, le groupe de parole peut être privilégié. La réussite passe par des changements de représentation, d’organisation, de priorités, une mise en jeu de centres d’intérêt. Chacun, là où il est, en fonction de ses besoins, doit composer son menu thérapeutique et s’y tenir.
Comment vous déterminez vous face à un échec apparent ?
Qu’est-ce pour vous que « réussir » ?