11 avril 2022
Une injonction populaire recommande : « Occupe-toi de tes oignons ! » Un conseil de signification différente est largement prodigué : « Prends soin de toi ».
S’occuper de soi : ce genre de recommandation mérite réflexion.
En alcoologie, s’occuper de soi est sans doute préférable à se préoccuper de boire encore. Celui qui s’échine à ne pas s’occuper de soi incite son entourage à s’occuper de lui, ce qui n’est pas sans inconvénient.
Charité bien ordonnée commence par soi-même et, pour beaucoup, elle finit aussi par soi-même. En principe, on est mieux servi par soimême que par les autres, même si certains excellent à se faire servir ou à se servir des autres pour ne pas faire ce qu’ils ont à faire.
Pour les actes d’hygiène de base, à moins d’être grabataire ou très diminué, il va de soi que l’on s’occupe de soi. Mais qu’en est-il pour la vie en société ? Se donner comme unique objet d’attention et de soin ne manquerait pas de lasser.
Ces considérations subtiles posées, comment s’occuper de soi ? J’adopterai ici le point de vue d’un sujet devenu dépendant de l’alcool. La première chose à faire est de rencontrer un professionnel capable d’écouter, d’expliquer la problématique, de faire le lien entre ce qu’il sait de la dite problématique et de ce qu’il recueille de l’histoire et des échanges avec la personne concernée. S’occuper de soi, en alcoologie, suppose donc de bénéficier d’un entretien de première rencontre de qualité, prolongé par un entretien d’histoire, digne de ce nom, prolongé par une synthèse. Ces premières étapes constitueront le socle de ce qui est à construire pour créer un commencement d’alternative à la dépendance alcoolique. Remarquons au passage que ce travail ne se réalise pas par des consultations d’abattage, effectuées en quelques minutes par des professionnels bousculés, ne disposant pas, la plupart du temps, des connaissances adéquates.
Un piège grossier consiste pour le sujet de penser qu’il peut s’en sortir aisément, par le seul fait de sa volonté. Tout se voit, certes, mais la règle est d’accroître ses chances de réussite par un investissement de durée indéterminée et des remises en question pour tout ce qui fait problème. Reconnaissons, que cette recommandation n'est appliquée par à peu près personne spontanément. La plupart des gens avancent en aveugles, en évitant de remettre en question et de questionner leurs représentations du réel, alors que les signes d’alerte se multiplient.
S’occuper de soi suppose donc de faire l’effort de se connaître et de connaître son environnement.
S’occuper de soi, pour une personne alcoolique, consiste pour très longtemps, indéfiniment, à écarter toute consommation d’alcool. C’est un principe de précaution qu’il faut savoir appliquer sans état d’âme, sans lamentation inutile. Ce qui a été ou ce qui a pu être n’est plus. Les exceptions ne sont pas la règle, surtout pas au début d’un parcours quand la mémoire cérébrale de la compulsion demeure et que la personnalité n’a pas plus changé que son environnement.
S’occuper de soi doit être quelque chose d’agréable et d’utile, même si, parfois, il faut accepter de souffrir. En parvenant à ne plus être parasité par la compulsion, il devient possible d’apprendre à faire le meilleur usage possible de son temps. Une heure comporte 60 minutes pour tout le monde. La notion du temps qui reste rend attentif à ne pas gaspiller le temps disponible. Ce n’est pas gagné car notre modernité excelle à nous envahir par ses sollicitations et ses contraintes.
S’occuper de soi c’est également s’occuper d’autre chose : de ceux que l’on aime, de ce qui nous plait, de ce qui nous fait progresser afin de connaître le plus souvent possible bien-être et épanouissement.
S’occuper de soi demande donc simultanément ouverture et fermeture. Ouverture à tout ce qui nous aide à « grandir » et « tenir debout », fermeture à ce qui nous rabaisse et nous rend idiots.
Quelles sont selon vous les principales difficultés qui vous empêchent de vous occuper de vous ? Quelles ressources avezvous identifiées pour vous occuper intelligemment de vous ?
Mettez-vous en place des stratégies pour y parvenir ?