19 juin 2023

 

Il serait dommage de mettre un terme à notre activité, alors que les thèmes de discussion aussi passionnants que le « bon usage du pessimisme » n’ont pas été réfléchis à la lumière des addictions.

« Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer » : cette formule de Guillaume d’Orange, a été rapportée à la dépendance alcoolique. Je l’ai faite mienne. N’espérant rien du tout, je n’ai pas l’occasion de désespérer. Ayant eu le bon sens de ne pas m’attribuer en propre la réussite des personnes ayant mis l’alcool en congé pour maladie, j’ai persévéré. Je laisse entendre par ces remarques que le moteur de l’action n’a pas été l’optimisme ou le besoin de reconnaissance. C’est, au contraire, une vision sombre de l’avenir, la double conviction qu’il était nécessaire d’aller à contre-courant au risque de s’exposer qui m’a fait choisir l’intranquillité. Ce qui m’a plu dans le choix de l’alcoologie a été le fait que j’allais pouvoir travailler dans un champ de la médecine délaissé par les confrères. J’allais pouvoir faire vivre des potentialités qui avaient de plus en plus de mal à s’exprimer au contact des « impératifs économiques » et des exigences technologiques. Ce territoire déserté se prêtait à la découverte, à l’organisation, à la mobilisation de ressources « intellectuelles et morales », selon l’expression d’un aidant, négligées par le souci de faire science. Il me permettait de rencontrer des gens au moment où leurs apparences et croyances s’effondrent. Cette situation se retrouve assez souvent, pour le meilleur, en alcoologie.

La vie m’a appris à privilégier le pessimisme d’observation. Curieusement, ce pessimisme sert de tremplin à une sorte d’optimisme de l’action. Il m’a semblé que les adeptes de la pensée positive étaient surtout de parfaits égocentrés, des individus quelconques et ennuyeux à force d’être conformes et prévisibles.

Un humain peut porter en lui des caractéristiques contraires. Je risque un hors-sujet pour me faire comprendre. Il existe deux catégories d’écrivain : les nombrilistes, très à la mode aujourd’hui, et ceux qui font vivre plusieurs personnages qu’ils ont en eux. Ainsi Molière qui peut juxtaposer sur une même scène, Alceste, Philinte et Elvire, ces deux derniers étant exemplaires du pessimisme d’observation, avec l’humour en plus pour Elvire, Alceste illustrant plutôt une posture de misanthrope aveuglé par ses émotions.

Associez-vous pessimisme d’observation et optimisme d’action ?