02-09-2024

Un patient, que je connais depuis de nombreuses années, m’a informé qu’il avait commencé une psychanalyse en raison de son anxiété. Je me suis souvenu d’une remarque de Michelle Monjauze à propos de mes premiers textes sur la problématique alcoolique, très pauvres en annotations sur l’anxiété. J’ai proposé au patient de mettre ce thème à l’ordre du jour du groupe intégratif.

Nous distinguons dans ce registre émotionnel, l’angoisse, l’anxiété, les inquiétudes. L’angoisse a une tonalité viscérale. Elle est intense. Elle n’a pas besoin nécessairement de cause extérieure pour s’installer. Elle renvoie certainement à des peurs enfouies, archaïques, installées dans la petite enfance, quand l’émotion n’a pas trouvé d’expression par la parole. L’anxiété évoque l’attente d’une situation redoutée. Elle est plus ou moins intense et bien gérée. Elle évoque des peurs différentes : l’échec, le refus…L’inquiétude a un aspect plus intellectuel, plus culturel, davantage déterminé par une situation où la personne n’est pas toujours concernée au premier chef.

Si l’on accepte cette schématisation : l’angoisse est sidérante, l’anxiété est perturbante, l’inquiétude n’empêche ni la lucidité ni l’action. La même personne peut associer diversement ces trois types d’émotion. L’alcool est une réponse possible aux deux premiers types d’émotions. Il n’intervient pas pour l’inquiétude. La dépendance à l’alcool s’installe plus aisément quand l’émotion est source de sensations et d’images plutôt que de paroles. Il est connu que l’alcool, comme les autres addictions, finit par accentuer et pérenniser les émotions pour lesquelles, elles prenaient la valeur d’une solution. Avec la sobriété et le travail de réflexion, il s’observe habituellement une évolution des émotions des moins aux plus élaborées. Des techniques de psychothérapie, diverses et variées, visent à rendre conscientes les origines des angoisses et des anxiétés et à les apaiser.

Une approche différente fait intervenir la question générale de la relation d’objet. Nous sommes installés depuis longtemps dans un contexte et une culture qui favorisent angoisse et anxiété. Il nous semble que le narcissisme – l’image de soi, l’importance donnée au Moi – est anxiogène dans la mesure où il modifie la relation du sujet à son environnement. L’autre, l’objet, en tant qu’entité extérieure, a le mérite de mobiliser notre attention, en tant que tel. Celui qui ne sait pas s’intéresser à autre chose que lui-même court le risque d’être confronté à une forme de vide. N’existons-nous pas par la relation, par la mise en mots, par nos investissements, nos attachements affectifs ? N’est-ce pas le monde environnant et ce qui nous en est donné par la connaissance (La sapienza, pour reprendre le titre d’un film franco-italien) qui, peu à peu, peuple notre imaginaire, nous donne des références et ses repères, des raison d’agir et de nous investir ? Nous vivons, aujourd’hui, dans un monde acculturé, atomisé, dominé par les passions médiocres, encombré d’occupations contraignantes et machinales, centré par un hédonisme bas-de-plafond. Comment pourrions-nous vivre sereinement dans ces conditions ? Nous vérifions alors les limites des psychothérapies centrées sur le passé ou le présent individuel, sur le Moi et le quant à soi.

Voici pour ma contribution. C’est à vous, à présent, de donner la vôtre.