09-12-2024

S’adapter est un des maîtres-mots de notre temps. Comme l’avait affirmé, ironiquement, par le titre d’un de ses ouvrages, Barbara Stiegler : « Il faut s’adapter ! ». En écho, il vient une scène inénarrable de « Trains étroitement surveillés » : un protagoniste s’avise de ponctuer les affirmations péremptoires d’un personnage en uniforme d’une succession de « pourquoi », sans que l’on sache s’il est idiot ou s’il le fait exprès (la seconde hypothèse étant la plus probable). Je raconte cette anecdote parce qu’elle peut servir quand vous subissez une affirmation ou une injonction catégorique.

Donc, s’adapter pourquoi ?

Pour être comme « tout le monde » ? Pour survivre ? Pour gagner en liberté ?

S’adapter comment ? Avec quels moyens, quelles aides ?

S’adapter à quoi ? Pourquoi ?

L’adaptation suppose parfois d’abandonner une pratique pour une autre. L’adaptation suppose de trouver des compromis viables et satisfaisants.

Avant d’envisager de faire un effort d’adaptation, il semble utile de savoir qui nous sommes, ce que nous avons envie de vivre, ce qui en vaut la peine, ce qui est souhaitable et réaliste.

Si on prend le repère de l’alcool, il est évident qu’il est préférable de se recentrer sur soi et sur ses besoins fondamentaux, avant de songer à s’adapter à l’environnement et à ses usages, avant d’affirmer ses différences.

L’adaptation doit être ressentie comme une possibilité de progrès significatif, sans « tromperie sur la marchandise ».

L’adaptation est une question politique. Si nous voulons faire société, nous devons tout-à-la-fois accepter l’autre et nous rendre acceptable à lui, sous réserve d’une réciprocité.

L’adaptation fait problème dès qu’elle est à sens unique et qu’elle contraint, ou qu’elle induit une régression, ce qui est très souvent le cas de nos jours, au temps de la Modernité tardive.

L’adaptation, dans sa rigidité, pose la question du sort de ceux qui ne peuvent s’adapter ou qui refusent de l’adapter. A partir de quand, le Non devint-il indispensable ?

J’ai eu l’idée de proposer un texte de présentation pour Wikipédia afin de nous faire connaître. Je dois, simultanément, ne pas perdre de vue mes objectifs et me conformer aux règles d’exposition. Je vais user d’une écriture pénitentiaire, impersonnelle, et accepter des « coupes ». Il y aura peut-être, ailleurs, pour le site, une version plus longue, « the director cut » comme il se dit pour certains films. L’IA écarte par nature l’expression claire d’un désaccord. Une opinion est recevable si elle rejoint d’autres opinions qui se conforment elles-mêmes avec l’Opinion. À une question sans réponse programmée, l’IA répond par un « Je n’ai pas compris votre question ».

Je vais me donner les moyens d’être « up to date » pour la télétransmission, par contrainte pure et dure mais aussi parce que j’en perçois les avantages en professionnel dépourvu d’attirance pour ce qui n’est pas nécessaire. Il est triste d’être dans un monde où un moyen technologique prend le statut d’une dictature dont pâtissent les pauvres, les vieux, les « fracturés », mais aussi les amoureux du concret, de la simplicité, de la relation, sans parler des questions politiques qui en découlent.

 

Quelles limites donnez-vous à votre adaptation ?

Quels moyens vous donnez-vous pour que vos efforts d’adaptation ne se retournent pas contre ce qui vous importe le plus ?

Et qu’est-ce qui vous importe le plus ?