20-01-2025
Nous n’avons jamais abordé – alors que nous fonctionnons en groupe de parole avec un soucis d’authenticité – ce que nous pouvons mettre sous l’expression de « parole vraie ». La parole vraie nous fait évoquer pour commencer – allez savoir pourquoi – la publicité. Une affiche, illustrée par une bouteille de vodka, prend soin de recommander d’en boire avec modération. Avec un souci semblable des consommateurs, la société Decaux décore les abris-bus de ses suggestions, laissant supposer qu’elle nous protège des intempéries. De même, les journalistes, les influenceurs, les politiques, les diffuseurs de savoirs nous expliquent ce qu’il faut penser et de quelle manière il faut procéder. L’intelligence artificielle elle-même a réponse à tout, même si elle ne manque pas de nous faire répéter la question. Bref, nous sommes noyés sous un déluge de « paroles vraies », qui nous font apprécier le silence. Plus sérieusement, comment comprendre cette expression ? Une parole vraie suggère un souci d’authenticité : le désir de ne pas tromper l’autre et celui de ne pas se mentir. Il n’est pas toujours possible – même si l’on pense tout ce que l’on dit – de dire tout ce que l’on pense. Dire tout ce que l’on pense peut blesser ou, plus banalement, ne servir à rien si l’interlocuteur n’est pas disposé à écouter et encore moins à comprendre ou à accepter. La parole vraie suppose un effort de réflexion et de clarification préalable, même si la vérité s’exprime plus facilement par le fait de son énonciation. Il existe donc une différence dans l’expression d’une parole vraie, entre la parole spontanée et la parole réfléchie. Une parole vraie ne peut faire l’économie d’un effort de connaissance et d’une forme de prudence dans son expression. Elle ne peut naître d’une pensée involontaire, sinon par accident. La parole vraie à besoin d’être ajustée aux interlocuteurs réels ou potentiels, pour augmenter les chances qu’elle soit entendue et qu’elle suscite en retour l’effet qu’elle recherche. Une distinction catégorique doit être posée entre le souci de vérité et l’exactitude des propos. Une parole vraie peut ainsi véhiculer une ânerie, couvrir une illusion ou masquer une réalité échappant plus ou moins aux capacités de discernement. Une parole vraie qui heurte les idées, reçues ou propagées, a toutes les chances de susciter l’incompréhension, l’hostilité ou la censure. C’est ce qui justifie l’écriture ou le parler-pénitentiaire.
Quelles sont les diverses sources de paroles vraies qui ont nourri votre expérience, tout au long de votre vie ?
Quel usage fait-vous, aujourd’hui de la parole vraie ?