10-02-2025

En ces temps de tensions et d’incompréhensions, de divergences d’opinions et d’intérêts, les dialogues peuvent être perturbés plus encore par les susceptibilités.

Comment tout d’abord définir la susceptibilité ? Nous pouvons la comprendre comme une réaction émotionnelle disproportionnée et quelquefois sans relation avec un propos vécu comme une « agression ». La susceptibilité ferait donc possiblement intervenir un défaut de contrôle de l’émotivité et un trouble de l’interprétation. Les personnes susceptibles réagissent souvent de façon immédiate et disproportionnée à un propos ou à une attitude qui les blessent. La susceptibilité peut également ne pas être identifiable et se transformer en douleur persistante avec un sentiment enfoui de dévalorisation et de colère impuissante. Cet enfouissement peut favoriser dépression et addictions.

De nos jours, les agressions que nous pouvons subir ne manquent pas. Elles font partie de notre quotidien. L’agression peut concerner notre personne pour des aspects physiques, intellectuels, sociétaux, ou de toute autre nature. La susceptibilité est d’autant plus sollicitée qu’elle rencontre la force de l’arbitraire, l’impossibilité d’engager un dialogue ou d’apporter une solution.

La susceptibilité a le grave inconvénient de déterminer des réponses inappropriées qui aggravent la situation au lieu de l’apaiser ou de la clarifier. Dés lors que faire face à une agression pouvant la mettre en jeu ? Il semble préférable, dans tous les cas, de laisser s’apaiser l’émotion, avant d’imaginer une réponse. Le silence est parfois la meilleure attitude. L’absence de réaction laisse du temps à la compréhension aussi bien du désordre émotionnel que de la nature de l’agression. Et d’une certaine façon de l’agresseur. Qui se permet de me juger ? Quelle connaissance a-t-il du dossier qui justifie sa critique ? Pourquoi me sentir à ce point dérangé par le propos ? Nous pouvons remarquer au passage que l’alcool peut aussi bien amplifier la réaction qu’imposer le silence de la honte.

La susceptibilité fonctionne comme un obstacle à un examen « décontaminé » des préjugés, des peurs, du déni, et de l’ignorance.

Il est important dans le cadre d’une relation difficile d’identifier si notre interlocuteur se positionne sur le plan du dialogue ou sur celui des jugements à l’emporte-pièce. Nous pouvons assurer un effort raisonnable pour nous rapprocher de lui, en sachant interrompre la relation, quand elle s’avère impossible et source de conflit ne serait-ce qu’en raison du parti-pris et la psychorigidité ou des arrière-pensées rencontrées. Notons au passage que la présence de l’alcool perturbe la relation mais également la somme des préjugés qui se rattachent aux années de consommation.

Rien n’est pire probablement qu’un ignorant qui croit savoir. Les personnes qui affichent des opinions catégoriques et péremptoires sont souvent concernées elles-mêmes par une susceptibilité excessive dont les origines se situent en dehors des sujets discutés.

En pratique la susceptibilité de l’autre (et de soi) est atténuée par la confiance qu’il met dans la relation. S’il sait que son propos sera écouté, accepté sur le fond. Il s’autorisera à dire ce qui lui importe, sans que sa susceptibilité ne joue de rôle perturbateur. J’ai depuis longtemps fait mienne l’idée qu’on ne risque jamais autant de mépriser les opinions des autres qu’en taisant les siennes.

La susceptibilité met en jeu l’image de soi et donc le narcissisme. Les satisfactions narcissiques peuvent concerner son image, mais également ce que l’on a fait ou, du moins, tenté de faire pour le bien commun, l’autre, ou la relation.

Maîtrisez-vous vous votre susceptibilité et celle d’autrui ? Le travail d’élaboration réalisé depuis la sobriété a-t-il été porteur de bons résultats de ce point de vue ?