Lundi 10 février 2020
« L’esprit critique à l’épreuve des addictions » est le sous-titre du livre « Anesthésie générale » qui reste à écrire. J’ai, à présent, une idée claire du plan et du synopsis qu’il me faudra présenter fin mars à un éditeur. Je voudrais avoir achevé ce nouvel outil à la fin de l’été. J’ai envie de proposer un livre en 3 tomes publiés simultanément pour la maniabilité. Mes proches s’alarment déjà du foisonnement des chapitres.
L’esprit critique, donc. Mes allées et venues à Ombres blanches, montrent que l’esprit critique est à l’œuvre dans de nombreux ouvrages. Pour autant, nul n’imagine l’exercer dans le champ des addictions. J’entends, bien évidemment, m’appuyer sur le travail du groupe pour nous éclairer. J’ai précisé, dans un bref avertissement, comment, à la manière de Nanny Mc Phee, je comptais travailler. Il me reste à retrouver ce que j’ai écrit sur le Je et le Nous, pour le compléter.
Ce que j’analyse comme défaut d’esprit critique ne me paraît pas principalement lié à l’inintelligence. Nous l’avons illustré dans notre réunion sur les questionnaires « psy ». J’ai plutôt l’impression que le manque d’esprit critique est assez largement partagé, sans lien obligé avec l’appartenance sociale ou le niveau d’études. Le discernement est efficacement neutralisé par des facteurs aussi bien individuels que collectifs. Qu’est ce qui nous rend objectivement sourds et aveugles ?
Plusieurs biais s’imposent. Globalement, l’intensité de la vie émotionnelle est une entrave à une appréciation correcte du problème en question. Nous retrouvons, pêle-mêle, les questions d’images et d’égos, la susceptibilité, l’impatience, la soif d’avoir et de posséder et, pour une part décisive, la pensée paresseuse. Dans cette ambiance subjective, l’observation est brouillée, l’analyse des faits se voit entravée ou négligée.
Le système éducatif a mis en avant des connaissances sectorisées, assorties de taux de réussite aux examens, au détriment du développement de l’esprit critique et des connaissances qui s’y rattachent. Il est aujourd’hui habituel d’être très « pointu » dans un domaine plus ou moins lié aux intérêts économiques et être ‘‘analphabète’’ face aux phénomènes sociaux. Cette désinformation n’est pas le fruit du hasard. Le décervelage a pour objectif de maintenir le statu quo en faveur de ceux qui nous font tirer les marrons du feu à leur seul profit.
Pourtant, une opinion juste ne peut pas se dégager d’un examen superficiel, alors que manque un grand nombre de données. Nous avons ainsi du mal à ne pas tomber dans le piège des discussions du « Café du commerce » ou du « salon où l’on cause », avant un bon repas, un verre à la main. Nos opinions reflètent les croyances propagées par les moyens de communication qui distillent ce qu’il faut penser et par nos intérêts catégoriels.
D’autres sources de savoirs empêchent de mobiliser notre esprit critique. L’organisation de Colloques Scientifiques ou de débats médiatisés est en règle générale suffisamment verrouillée pour interdire des dialogues et points de vue contradictoires argumentés. L’esprit critique a besoin de calme, de documentation, de preuves et de contre-épreuves, de liberté de réflexion, pour s’exercer. Les passions ont la réputation d’altérer l’esprit critique. Des affects comme la honte, la culpabilité, l’envie, la cupidité, la jalousie dénaturent l’esprit critique en esprit de critique. La prise en compte exclusive de nos intérêts en tant qu’individu ou groupe aboutit au même résultat, qu’il s’agisse de famille, de corporation, d’ethnie, de nationalité…
Le poids du Collectif joue un grand rôle dans l’enfouissement de l’esprit critique. Il est souvent question d’opinions autorisées. Faut-il pour autant accepter celles-ci sans examen ? L’usage extensif et intégré des réseaux sociaux donne l’illusion que tout le monde sait tout sur tout et que toutes les opinions se valent.
Tant et si bien qu’on peut se demander si l’exercice de l’esprit critique est raisonnable, dans la mesure même où nous mesurons son inefficacité, son peu d’influence sur la conduite de vie individuelle et, plus encore, sur les devenirs collectifs. Le risque de la lucidité est d’aboutir à un scepticisme source d’amertume et de repli social, voire de désespérance, sans même besoin d’évoquer la « solution addictive ».
Cependant, à moins de considérer que continuer à avoir tort finit par donner raison, l’exercice de l’esprit critique se révèle notre meilleure boussole, sachant que le discernement recouvre et prolonge l’esprit critique en lui ajoutant l’intuition. L’intuition dégage une solution et permet une initiative, en faisant l’économie de la preuve. Elle se rattache à l’expérience et met en jeu une forme de sensibilité qui facilite la mise en relation.
Comment penser l’esprit critique à l’épreuve des addictions ? Telle est l’ambition du prochain livre.
Telle est la question à laquelle chacun est invité à répondre. Ce thème est diffusé à l’avance pour vous donner le temps d’y réfléchir plus amplement que d’habitude. Les exemples concrets seront les bienvenus.