Lundi 30 mai 2022
À tout seigneur, tout honneur. Nous pouvons commencer par cette citation d’Orwell, le père de ce concept.
« Quiconque défie l’orthodoxie en place se voit réduit au silence avec une surprenante efficacité. »
George Orwell
(Avant-propos censuré de La ferme des animaux, 1945)
Nous pouvons poursuivre par l’extrait du notre manuscrit :
« Que faut-il entendre par novlangue, aujourd’hui ? Il n’y a pas de volonté polémique dans l’usage de cette expression. Nous éprouvons le besoin de préciser le sens de ce terme dans la mesure où nous l’employons, en référence avec le modèle de société qui s’est mis en place.
La novlangue est d’abord la suppression de mots qui donnaient corps et nuances à la pensée. Ces mots en moins correspondaient à des grilles de lecture opérantes. Il n’est pas neutre de supprimer des grilles de lecture indispensables, selon nous, à une bonne compréhension d’une problématique complexe. Si, par exemple, vous réduisez l’homme à un fonctionnement neurologique et le soin à des propos sur les comportements et les émotions, vous avez atteint le stade ultime de la novlangue dans le champ de la psychopathologie.
Il va de soi que la novlangue s’enrichit de mots nouveaux qui recoupent parfois des mots anciens. Ces mots constituent alors, pour l’ordinaire des échanges, un nouveau langage nécessaire et suffisant. Certains mots anciens peuvent être employés après en avoir changé la signification. D’autres mots de la langue d’origine seront remplacés par des mots venus d’ailleurs. Dans le monde libéral, ces mots sont américains. Le commerce se les approprie. Les magasins sont open. Il y a le Black Friday et le Cyber Monday.
Une part de la novlangue est créée par la technostructure avec une floraison de sigles, connus des seuls initiés.
La novlangue valorise l’usage de certains mots appréciés par certains groupes et discrédite l’emploi de mots plus anciens. La novlangue raffole des chiffres. Les chiffres ne mentent-pas, précise-t-elle. Elle affectionne les images, choc de préférence, diffusées en boucle comme nombre de discours. Elle aime à répéter, à marteler ses convictions pour susciter l’adhésion.
Le numérique participe activement au nouveau langage. Il a le pouvoir singulier d’envoyer des messages à la planète connectée, tout établissant des distinctions avec des destinataires explicites et des correspondants cachés. La novlangue peut ainsi se répandre sans dialogues ni correspondants concrets.
La novlangue a des prétentions hégémoniques. Elle tolère mal les langues anciennes, tout en flattant les langues vernaculaires.
La novlangue est compatible avec un totalitarisme mou, caractéristique des sociétés post-démocratiques, mises sous persuasion, contrôle et surveillance, bénéficiant de l’altération du sens critique de ses populations. Evidemment, nous pouvons œuvrer à un retour à une langue non simplifiée. »
Ces généralités étant rappelées, il reste à examiner les modalités et les formes de la novlangue dans le vaste champ de l’alcoologie.
Comment, à la lumière de la présentation ci-dessus, avez-vous vécu ou vivez-vous cette notion de novlangue ?