François Sureau
Gallimard, Tracts, n°8 2019
3€90, 56 pages
« Sans la liberté » … Face à un tel intitulé nous ne pouvons que laisser la parole à l’auteur, avocat et écrivain.
« La liberté n’a jamais cessé de me surprendre : pour ses promesses quand j’étais jeune et, plus tard, pour la facilité avec laquelle nous étions portés à oublier ses exigences, ou, pire encore, à en dédaigner la valeur.
« Les plaques tectoniques de notre société politique se déplacent dans une mesure telle que j’ai fini par me demander si l’amour de la liberté, ou celui de l’État de droit qui vise à le garantir, n’étaient pas un simple vernis, une référence morte. »
L’auteur fait référence à une manifestation pacifique où les policiers, supérieurs en nombre, étaient dotés d’armes de guerre. Dans notre petite expérience de promeneur toulousain, nous avons relevé un certain nombre de bizarreries lors des manifestations des Gilets jaunes, qui vont au-delà de la volonté d’intimidation. La gestion du confinement a privilégié une éducation coercitive à la soumission. « La crainte d’une violence sociale générale » conduit « à recréer une forme de civilité par la répression ». Pente dangereuse.
Cela étant dit, nous sommes conduits à nous demander si le Droit n’est pas un acteur de la Crise, une composante d’un système bien huilé.
Le Droit se nourrit de l’ensemble des dysfonctionnements de la Société. A-t-il par lui-même le pouvoir de les corriger ? Rien n’est moins sûr.
Sans vouloir faire preuve de provocation, un dealer fait vivre plusieurs personnes de sa famille. Il contribue, sans doute, au développement des zones de non-droit. Il justifie toute une série d’emplois chez les policiers et les gendarmes. S’il est pris, un avocat est commis d’office. Le prévenu est vu par un Procureur ou son substitut (il y en a 40 qui siègent au Tribunal de Toulouse). Son cas est examiné par le Juge des Libertés. S’il a moins de 18 ans, un éducateur est requis. Des aides à la réorientation lui sont proposées. Comparativement, elles correspondent à une part très faible des gains du commerce suspendu. Il suffit qu’il dise qu’il a un projet de réinsertion pour voir la sanction atténuée. Quand une personne est condamnée à une peine de prison, il faut défalquer en moyenne deux mois par an si la conduite en prison ne pose pas de problème.
Nous comparerons le coût de toutes ces déambulations à notre absence de moyens pour travailler correctement en alcoologie. Un dispositif d’accompagnement adapté aurait des effets peu discutables sur les diverses formes de prévention : secondaire, tertiaire et primaire. A-t-on mesuré l’impact du changement de trajectoire de vie d’un addicté de l’alcool (et autres substances) sur sa vie, celle de ses enfants, de ses proches et de la Société, quand il devient sobre ? Certains secteurs de l’industrie ou de l’Etat auraient seulement besoin d’être réorientés sur des objectifs mieux fondés.
Loin de nous, la prétention d’ouvrir un débat sur le Droit, les sanctions et ce qui se passe dans les prisons. Nous pouvons trouver pénible de laisser croire que l’état de la Société, avec son absence d’emplois socialement utiles et individuellement motivants, est tel que les « délinquants » ordinaires disposent d’une véritable alternative ; avant d’être pris en faute ou après avoir effectué leur peine.
Quant aux libertés menacées, les prestations de l’élite, dans sa grande majorité, montrent qu’elle s’en moque, pour ne pas dire pire. La soumission dont fait encore preuve la plus grande partie de la population est tout aussi inquiétante. Certains confinements sont moins cruels que d’autres. Et pour être complet, les indignés et les dénonciateurs ne sont pas plus rassurants.
C’est un cadeau de la Toile de voir se répandre des avis péremptoires. L’esprit de critique tient lieu d’esprit critique.