Hannah Arendt
L’herne 2021
22€90
La quatrième de couverture de ce petit livre noir reproduit un questionnement déjà ancien d’Hannah Arendt, plus d’actualité sans doute que jamais : « La question aujourd’hui ne s’énonce pas tellement en ces termes : quel est le sens de la politique ? Au sentiment des peuples qui, un peu partout, se sentent menacés par le politique et parmi lesquels les meilleurs ont consciemment pris leur distance par rapport à la politique, on comprend que corresponde mieux la question qu’ils se posent et que d’autres se posent : la politique a-t-elle un sens ? » Cette même quatrième de couverture pose une question centrale : qu’en est-il des « espaces de délibération ? »
Au risque de surprendre, nous donnons ici nos réponses.
Tout d’abord, nous défendons l’idée que « tout n’est pas foutu ». Nous estimons, au contraire, qu’il existe un peu partout, parmi les « intellectuels organiques » - que nous pouvons être -, des personnes capables d’élaborer une réflexion critique en actes. Cette réflexion se distingue du baratin.
Hannah évoque le caractère élitiste du dialogue politique des Grecs de la Cité antique. Nous n’avons pas à le déconsidérer mais à le comprendre pour le refonder. J’explique !
Nous devons prendre du temps pour élaborer notre réflexion. Celle-ci se nourrit très peu des événements rapportés pour la raison simple que les médias nous racontent ce que leurs maitres leur signifient de répandre. Tout événement justifie d’être analysé avec le recul nécessaire.
Prendre le temps exige de ne pas accepter de s’agiter en tout sens, de se conformer aux diverses stimulations qui nous transforment en troupeau se précipitant vers la falaise. Nous avons besoin de temps pour lire des bouquins dignes de ce nom, découvrir des films par des réalisateurs et des acteurs ayant le souci de ne pas se complaire. Nous avons besoin de temps partagé pour dialoguer à deux, à plusieurs.
Une réflexion coupée de sa mise en œuvre perd rapidement de sa signification, même si elle peut trouver une possibilité d’expression différée, quand les conditions permettent qu’elle prenne consistance. C’est tout le sens dialectique du mot praxis : la réflexion nourrit l’action, l’action nourrit la réflexion. C’est ce qui nous différencie des baratineurs.
Réfléchir en termes de praxis est la forme de résistance la plus achevée. Il ne manque pas de figures du passé capables de susciter élan, enthousiasme, courage, refus de la bêtise, de la bassesse et de la flagornerie. Il existe, autour de nous, des personnes capables d’œuvrer utilement, d’exercer leur esprit critique, de faire preuve de solidarité et d’esprit d’entraide.
Quelques lignes d’Hannah pour mettre en appétit : « Le sens du politique, et non sa fin, consiste en ce que les hommes libres, par-delà la violence, la contrainte et la domination, ont entre eux des relations d’égaux. » « Le politique doit être compris comme centré sur la liberté, la liberté étant elle-même entendue de façon négative comme le fait de nepas-gouverner-ni-être-gouverné. Sans une pluralité d’autres hommes qui sont mes pairs, il n’y aurait pas de liberté » « La parole sous la forme du commandement et l’écoute sous la forme de l’obéissance n’étaient pas considérés comme une parole et une écoute » par les Grecs. » « La liberté ne requérait pas une démocratie égalitaire mais bien une sphère étroitement limitée par une aristocratie » où pouvait s’exercer une réflexion source de praxis, le premier pouvoir à exercer concernant la propre personne et sa zone d’influence, à partir de ses capacités propres.
Elle n’est pas chouette, Hannah ?