21 novembre 2022
Réunion des membres du conseil d'administration, des soignants, des aidants d'organisation et d'HBA en lieu et place de la séance habituelle.
Ordre du jour:
- Perspectives d'action
- Bilan comptable et adhésions
21 novembre 2022
Réunion des membres du conseil d'administration, des soignants, des aidants d'organisation et d'HBA en lieu et place de la séance habituelle.
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14 novembre 2022
Les changements de trajectoire de vie sont au cœur de la problématique alcoolique considérée à l’échelle des vies. Nous pourrions même avancer qu’ils caractérisent toute existence. La variable alcool ou addictive ajoute cependant ses effets propres.
Dans l’ouvrage présentant le cinéma comme outil en alcoologie relationnelle, nous avions pris soin de consacrer un chapitre à cette thématique. Nous n’avions pas expliqué pourquoi et encore moins schématisé les évolutions de trajectoire. En quoi, jusqu’à quel point, la trajectoire d’un individu est-elle prédéterminée avant qu’il prenne sa vie en mains ? Conçoit-il seulement qu’il a un pouvoir d’influence sur sa vie et quels moyens se donne-t-il à cet effet ?
La Fontaine propose deux schémas opposés : celui de la cigale et celui de la fourmi. La première s’adonne aux plaisirs du moment, la seconde suit son chemin de prévoyance, quelque peu routinier. Une autre image peut servir : celle des drones. Une intelligence conditionnée finit par ressembler à la trajectoire des drones.
L’éveil et le développement de l’esprit critique favorise notre pouvoir d’influence sur notre trajectoire de vie, en complément de notre envie de vivre. Le contexte d’aujourd’hui affaiblit aussi bien l’esprit critique que l’envie de vivre.
En pratique, comment obtenir un changement dans la trajectoire de vie d’un patient devenu alcoolodépendant ? Notre méthode est de bon sens. L’entretien de première rencontre évalue grossièrement les possibilités de changement au moment de la consultation. L’entretien d’histoire permet d’évaluer des difficultés qui devront être surmontées pour concrétiser le changement nécessaire. La mise à disposition de documents ou ouvrages favorisant une meilleure connaissance de la problématique alcoolique facilite l’accompagnement souhaitable. Par ce média, nous sortons de la logique du schéma médical et d’une attitude passive. La prise de conscience de l’accompagnement, telle que nous l’avons imaginé, propose le travail en groupe intégratif pour des raisons que le sujet peut découvrir et comprendre. L’authenticité et la rigueur intellectuelle aident à conforter le discernement. Le sujet doit acquérir la prudence d’éloigner l’alcool en toute circonstance. Ce qui n’est jamais gagné d’avance. La révolution dans le rapport au temps est tout aussi importante que l’ouverture d’esprit et les changements de représentations qui en résultent. Sur ces bases, le sujet pourra se réapproprier ses ressources mentales et les conforter par un usage régulier de son discernement.
Comme dit le poète, le chemin se crée en marchant.
La complexité des équations personnelles incite à dialoguer avec les proches les plus proches chaque fois que les premiers intéressés et les proches en manifestent le désir.
Tout changement de trajectoire doit prendre en compte les évolutions sociétales qui pourraient constituer des difficultés supplémentaires. De ce point de vue, chacun doit avoir conscience des conséquences de la mondialisation. Le stade atteint aujourd’hui affaiblit et dénature les fonctions de l’État-providence. Plus que jamais, la connaissance, l’esprit critique, les composantes spirituelles et philosophiques interviennent dans un changement de trajectoire. Dans le cadre de la dépendance à l’alcool, la trajectoire spontanée, à un moment, évoque celle d’un avion avant le crash.
Êtes-vous en situation d’imaginer pour vous des trajectoires possibles avenir, à court et moyen terme ?
Pas forcément hors sujet : un échange de messagerie récent
« Hier, une fois de plus, j'attendais une patiente qui s'était retardée pour accompagner sa mère quelque part, lorsqu'un appel du fixe me propose un sondage d'opinion. C'était une voix d'homme, intelligente, peut-être asiatique, selon l'intonation et le phrasé. J'accepte pour 10 minutes. Je reproduis approximativement de mémoire. J’ai réussi à ne pas rire et à faire sourire.
« - Quel est l'événement le plus important, de la semaine ?
« - Votre question est difficile. Je ne vois pas. Le dernier dont je me rappelle date de samedi dernier.
« - Allez-y...
« - C'est la rencontre Stade Toulousain et Stade Français, au rugby, bien sûr.
Silence. Contrainte par son questionnaire, la voix me demande :
- Au cours de cette manifestation, quel a été le fait le plus important ?
- Le tir sur le poteau de notre jeune buteur, dans les arrêts de jeu. Il nous a fait perdre deux points par excès d'émotivité.
Silence.
« - Qu'avez-vous pensé de la réunion internationale sur le climat ?
« - Je n'en ai pas entendu parler.
Autre question... (Pas de souvenir).
« - Je n'ai pas les éléments qui me permettent de répondre.
« - Que pensez-vous des mesures récentes sur le pouvoir d'achat ?
« - Il y a donc eu des mesures à ce propos ?
« - Vous avez voté pour qui aux dernières élections ?
« - A vrai dire, je n'ai rien mis dans l'enveloppe, comme d'habitude. Je voterais volontiers blanc. Je ferais même volontiers campagne pour le blanc mais je ne trouverai pas 500 élus pour officialiser ma candidature.
« - Que pensez-vous des propositions contre les déserts médicaux et du risque d'une médecine à deux vitesses ? (Il sait que je suis psychiatre)
« - Cela fait longtemps que nous sommes dans une médecine à trois vitesses. Paradoxalement, les plus marginalisés sont mieux protégés que les citoyens ordinaires. Nous avons atteint le désastre dans l'éducation nationale et nous l'atteignons en médecine, dans tous les secteurs non rentables pour les actionnaires. Les deux socles de notre démocratie sont ainsi en cours de destruction accélérée. Telle est la volonté suicidaire des néolibéraux de toute sensibilité, gauche comprise.
Le sondeur m'a également présenté une gamme de sentiments que je serais susceptible d'éprouver face à la politique. J’ai retenu la colère. Je dis que je pouvais sélectionner la colère en précisant que j'en faisais un bon usage et que je restais pacifique. Je lui ai signalé qu'il manquait l'indifférence et le rire dans ses propositions.
Je crois qu'après la première minute, un peu déconcertante, il a passé un bon moment.
07 novembre 2022
Le 25 juillet dernier, nous nous étions demandé « pourquoi se nuire ? » L’orientation de cette séance est différente. Elle pose la question de l’éthique et du choix. Elle suppose la réappropriation de son discernement.
Le primum-non-nocere fait partie du serment d’Hippocrate que doit prononcer le futur médecin. Ne pas nuire signifie en pratique appliquer son savoir avec esprit critique, prudence, bienveillance.
Si nous prenons l’exemple d’un premier entretien, nous savons qu’il est indispensable de disposer du temps et de la tranquillité nécessaire. Nous avons à nous brancher à l’état de réceptivité de chaque patient pour créer une condition favorable à la relation en nous limitant à des informations utiles. Pour y parvenir, le naturel est requis. L’objectif est de donner aux patients l’envie d’aller plus loin et de s’investir dans leur intérêt. L’image du praticien n’a d’intérêt que par rapport à la relation, comme tout ce qu’il peut essayer de mettre en jeu. Dans ce cadre et avec cet état d’esprit, il est relativement facile de ne pas nuire.
Il est possible de nuire par incompétence ou manque de maîtrise, en laissant perturber la relation par des éléments qui n’ont pas lieu d’être.
Pour que la relation soit bonne le patient doit respecter quelques règles simples : de quoi régler et se faire rembourser (avec la carte vitale), la ponctualité, le souci d’être vrai dans ses propos. Il doit aider le praticien à faire correctement son métier.
Le ne pas nuire fait ainsi intervenir le contexte de l’activité. Les exemples où le contexte rendent difficile ou impossible la réalisation satisfaisante d’un objectif sont multiples.
Une situation de plus en plus souvent retrouvée est la conscience qu’il n’est pas possible de mettre en jeu les moyens appropriés. Le praticien ne doit pas hésiter à en informer le patient ou son entourage. Il ne sert à rien, au contraire, de masquer la gravité de la situation. Cela peut aider les patients à davantage compter sur eux-mêmes.
Si nous laissons, à présent, le champ médical et celui des addictions à effets collatéraux, comment décliner cette préoccupation ?
Le ne pas (se) nuire s’inscrit pleinement dans la philosophie de sortie de l’addiction. Il s’agit de ne pas se nuire et de ne pas nuire.
Ne pas se nuire suppose une prise de distance par rapport aux sollicitations dérangeantes ou dangereuse mais plus encore une remise en cause des façons de penser qui étaient associées à l’addiction, notamment la positionnement de victime ou les ressentiments inutiles. Désormais, le sujet doit avoir conscience qu’il a en mains la barre de son navire. Il doit être maitre à bord, prendre du temps pour atteindre ses objectifs, éviter les relations problématiques, rechercher les sources de tranquillité, de bien-être et de progrès.
Quelqu’un qui va mieux peut susciter un intérêt nouveau et lui-même peut avoir envie d’élargir son horizon relationnel. Le besoin de partager est naturel. L’ouverture n’exclut pas la prudence.
Le sujet qui s’applique à ne pas se nuire peut assez facilement étendre sa bienveillance à d’autres personnes. Il peut plus facilement tenir compte des fragilités des autres non pour les exploiter mais pour les respecter.
L’épicurien exclut la manipulation portant préjudice à autrui. Il n’exclut pas l’habileté relationnelle quand celle-ci permet de ne pas créer des difficultés à l’autre, tout en l’aidant à atteindre ses propres objectifs. Pour l’ordinaire, l’honnêteté intellectuelle suffit. Ne pas nuire rend l’esprit léger. Il n’est pas si difficile de prendre l’habitude de respecter l’autre. Si l’on identifie quelqu’un qui ne partage pas cette philosophie, il doit être possible de s’en éloigner.
L’ambivalence est une situation normale : le sujet est partagé entre deux désirs. Soit il peut les satisfaire, auquel il doit compter sur ses capacités, soit il ne le peut pas et il doit se satisfaire du désir qui lui semble le plus important.
Le dilemme se retrouve souvent en alcoologie. La prudence ou l’expérience conduisent à adopter sans regret la solution la plus réaliste.
Avez-vous avant de vous lancer dans une aventure inédite, le souci indissociable du « Ne pas (se) nuire » ?